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Place à l’ère des déchets nucléaires

Par Gordon Edwards le 2019/01
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Place à l’ère des déchets nucléaires

Par Gordon Edwards le 2019/01

À Rolphton, en Ontario, à 500 mètres de la rivière des Outaouais, se trouve un édifice industriel radioactif à plusieurs étages souterrains. Il s’agit de la structure du réacteur nucléaire de démonstration (NPD), le premier à avoir produit de l’électricité au Canada de 1962 à 1987. Les matériaux structurels en métal et en béton dans la zone centrale ainsi que les tuyaux, pompes, chaudières et autres composants du système de refroidissement primaire sont devenus des déchets radioactifs impossibles à recycler. Le dynamitage, le coupage et la compression ne peuvent pas être utilisés dans la démolition en raison des poussières radioactives qui pourraient s’échapper.

Les autorités nucléaires canadiennes avaient promis de démanteler la structure des anciens réacteurs nucléaires (dont celui de Gentilly-1) et de retirer et d’empaqueter de façon sécuritaire toutes les matières radioactives afin de redonner aux sites leur état original. La pratique actuelle d’Hydro-Québec est d’attendre 40 ans après la fermeture, comme pour le réacteur Gentilly-2, pour que la radioactivité ait diminué. Pourtant, des équipements robotisés pourraient faire le travail sans attendre, ce qui serait moins dangereux pour les équipes de démolition.

Nucléaire et eau potable

Les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), un consortium privé de sociétés multinationales incluant SNC Lavalin que le gouvernement finance aux coûts de 500 millions de dollars par année pour gérer les déchets radioactifs, demandent l’autorisation de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour abandonner le réacteur NPD dans un tombeau, juste à côté de la rivière des Outaouais, la source d’eau potable de millions de personnes. Les LNC proposent de déverser des matières radioactives dans le sous-sol et de les noyer dans du béton. Les LNC ont annoncé qu’ils précipiteraient le projet d’enfouissement du réacteur NPD dans l’espoir de le faire adopter et de le réaliser dans les prochains mois. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, il n’est pas recommandé d’enfouir un ancien réacteur dans du béton sauf dans des circonstances extrêmes où le démantèlement est pratiquement impossible en raison de la fusion du cœur ou d’autres dommages restrictifs.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) semble en faveur du projet et elle a récemment accordé aux LNC un permis d’exploitation de 10 ans. En fait, les commissaires de la commission n’ont jamais refusé une demande de permis pour un projet majeur. Les LNC projettent aussi de construire un énorme dépotoir de déchets radioactifs en surface à Chalk River, très proche de la rivière des Outaouais.

La CCSN relève du Parlement par l’intermédiaire du ministère des Ressources naturelles, un ministère qui n’a pas de mandat en matière d’environnement ou de santé, mais qui est chargé de promouvoir, de développer et de commercialiser la technologie nucléaire. L’actuel ministre, l’honorable Amarjeet Sohi, a récemment annoncé que le Canada faisait la promotion de l’initiative Innovation nucléaire : un futur d’énergie propre.

Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire (RSN), en association avec plusieurs autres organisations, demande au gouvernement d’arrêter les projets actuels d’abandon des déchets radioactifs à côté des principaux plans d’eau. Il demande également au gouvernement d’entamer des consultations publiques auprès des Canadiens concernant la gestion à long terme des déchets radioactifs et de nommer un organisme indépendant, sous la gouverne du ministère de l’Environnement, pour effectuer les évaluations environnementales liées à la gestion des déchets radioactifs.

Une gestion déficiente

Dès la mise en service des réacteurs nucléaires, la gestion des déchets radioactifs semblait problématique et nous n’avons toujours pas trouvé de moyens satisfaisants pour gérer ces déchets. La seule « solution acceptable » à ce jour est de stocker les déchets de manière à pouvoir les récupérer, les caractériser et les reconditionner régulièrement jusqu’à ce qu’une solution permanente soit trouvée. L’abandon permanent de ces déchets à côté de la source d’eau potable de millions de personnes aurait des conséquences graves et irréparables.

Lors de la dernière campagne électorale, Justin Trudeau a promis plus d’impartialité et d’intégrité dans le processus d’évaluation environnementale au Canada. Un groupe d’experts a avisé le gouvernement que l’évaluation environnementale des projets nucléaires devrait être retirée de la compétence de la CCSN et confiée à un organisme indépendant. Les experts ont souligné que l’organisme de réglementation est trop étroitement lié à l’établissement nucléaire et qu’il a perdu la confiance du public.

Malgré les dangers associés au nucléaire — certains déchets demeurent dangereux pendant des centaines de milliers d’années — il existe un vide dans les politiques fédérales en matière de gestion à long terme des déchets radioactifs, sauf pour le combustible irradié. L’ensemble du texte de la politique-cadre du Canada en matière de déchets radioactifs ne fait que 179 mots. Le moment est venu pour les citoyens soucieux de la pollution radioactive de s’exprimer haut et fort. 

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