
Je viens de terminer la lecture du livre de Fred Dubé qui paraîtra en novembre, Une pipée d’opium pour les enfants. L’humoriste, qui collabore régulièrement au Mouton Noir, annonce d’emblée : « J’ai conçu ce pamphlet humoristique comme une catapulte à marde. » Lecteurs, vous êtes avertis.
Avec le mordant qu’on lui connaît, Fred Dubé dépeint le monde dans lequel nous vivons dans toutes ses palettes de brun : les injustices sociales, la culture de masse et les médias, la politique (la gauche, le centre, la droite, le manque de gros bon sens), l’environnement à l’agonie, l’économie à la croissance absolue. Il rit même de vous : « Certains diront : “Non, moi, je fais partie de la classe moyenne.” Amis de la classe moyenne, vous êtes des ostis d’pauvres… solvables! »
J’avoue, l’humoriste ne donne pas toujours dans le politiquement correct, et des blagues de caca et d’enculage de personnalités politiques et culturelles, oui, il y en a aussi dans ce bouquin. Est-ce nécessaire? Non. Peut-être n’est-ce qu’une partie du personnage d’enragé/engagé? Pourtant, il arrive à viser juste et à dire tout haut ce que plusieurs d’entre nous pensent tout bas.
Vers les derniers segments, ce pamphlet humoristique bascule vers un humour un peu plus posé : « Le bas de laine des Québécois réchauffe les pieds de l’industrie pétrolière. La Caisse de dépôt va à l’encontre des recommandations de la science! À l’époque, non seulement la caisse aurait été contre Galilée mais elle aurait investi dans les bûches pour le brûler. » Dans le segment intitulé « Citoyen du monde », Fred Dubé manie le paradoxe et nous fait découvrir le looser du monde, tandis que l’ironie de la partie « Infopub » sert à grafigner l’éthique du monde des affaires et de la politique. Dans des moments comme ceux-là, on voit bien que Dubé est un citoyen qui prend la peine de s’informer au-delà des gros titres que nous servent les médias, et qu’il sait s’indigner intelligemment… entre un sacre et un mot scatophile, probablement pour renforcer son indignation.
Ce livre plaira certainement aux admirateurs de l’humoriste. Pour les autres, c’est vers le dernier tiers que ce recueil atteint le mieux ses cibles. Mais je me demande : quand Fred Dubé se fait tasser des médias de masse, est-ce réellement à cause de son humour décalé, de ses gros mots, où serait-ce plutôt parce que ses propos dénonciateurs écorchent les dirigeants et les sbires du système? Qu’on aime ou pas le type d’humour de Dubé, on peut dire en reprenant un passage de la préface : « Merci, Fred, de te choquer à notre place. Ça ménage nos cœurs.» Mais il ne faudrait pas oublier que, nous aussi, nous pouvons exprimer notre indignation!