
Ti-Marc (le grand!) est actuellement en représentation au Théatre du Bic jusqu’au 12 août La pièce fut imaginée par Cédric Landry dans le cadre de sa Trilogie maritime. Il aura fallu dix ans pour que naisse cette trilogie abordant le thème du territoire et plus précisément celui des Îles-de-la-Madeleine. Toutes ces pièces ont été écritent par Cédric Landry et misent en scène par Eudore Belzile, metteur en scène, co-fondateur du théâtre Des Gens d’en Bas et directeur artistique.
C’est l’histoire d’un ti-gars qui veut quitter son île, parce qu’il ne veut surtout pas passer sa vie à crisser du homard dans des cannes. Maintenant, alors que tous les hommes civilisés souhaitent aller au Sud, Ti-Marc met le cap sur le Nord du Nord, là où personne n’a pu se rendre.
Cette pièce, c’est le combat d’un peuple qui assume sa propre diversité. Steven Lee Potvin, interprète de Ti-Marc, explique : « Si l’on veut traiter la question de l’identité chez les Québécoises et Québécois, il est primordial d’aborder nos différents accents et nos différentes couleurs, d’autant plus qu’on le permet très (trop) rarement sur scène, au cinéma ou à la télévision. Avoir un accent sur scène ou à l’écran à notre époque est une marque de courage et d’audace, quand ce devrait plutôt être banal puisque c’est le reflet de notre réalité. »
Mais au-delà de la revendication, il y a, dans l’œuvre de Cédric Landry, un rêve, celui de faire coexister question identitaire et univers fantastique.
Ti-Marc (le grand !) est un conte mis en scène de telle façon qu’il peut se déployer sous la forme d’une pièce. Sans jamais trahir ni le conte ni le théâtre, la pièce se tient dans un entre-deux magique où un poisson géant traverse la scène, où le radeau de Ti-Marc se déforme et se transforme pour explorer les différents lieux de son trajet vers le Nord.
Il y a Jonathan Go, le goéland qui parle, un savant mélange de Chiac Néo-Brunswickois. Jonathan Go, c’est une marionnette réalisée par Christine Plouffe et inspirée de la chanson Johnny Go de Jean Leloup. L’actrice et marionnettiste Julie Renault offre une interprétation remarquable. Jonahtan le Goéland bouge à merveille, avec ses mouvements amples et fluides. Il est attendrissant et drôle, il est un personnage à part entière. On oublie vite la présence de la marionnettiste, vêtu de sa marinière, posté en arrière de son Goéland.
En plus d’être une œuvre visuelle complexe grâce à la justesse de sa mise en scène, Ti-Marc (le grand!) impressionne par sa conception musicale et sonore, réalisée par le rimouskois Antoine Letourneau Berger. Son travail permet à la pièce de concrétiser l’identité de son univers imaginaire à travers pièces musicales et chansons mettant de l’avant différents accents de chez nous.
Steven Lee Potvin explique : « En tant qu’acteur, c’est plutôt chouette d’avoir un décor qui relève davantage de l’imaginaire que du réalisme, ça nous sort complètement de notre environnement immédiat et ça nous fait voyager. Aussi, c’est un réel plaisir d’avoir à incorporer des instruments et des chansons: la musique est un autre langage qui rallie tout le monde instantanément, peu importe l’âge ou l’origine. »
Il est essentiel de nommer ici la qualité des personnages imaginés et créés par Cédric Landry, ainsi que l’interprétation des acteurs et actrice Julie Renaud, Normand Levesque et Chrstian E. Roy. Tous sont très présents sur scène et particulièrement Steven Lee Potvin qui livre une performance remarquable et constante : « Les émotions sont pures et profondes puisqu’on est dans un conte, ce qui demande une certaine concentration. Je dois donc penser judicieusement à ce que je fais ou à ce que je mange pendant le jour ! Le soir venu, porté par le souffle de la pièce, c’est étonnement facile de trouver ses repères en tant qu’interprète, alors le défi est plutôt de livrer la même qualité dans le jeu 30 représentations d’affilé. »
Lorsque je demande à Steven Lee Potvin quel est l’impact de la pièce sur le public, il me répond : « C’est toujours difficile comme comédien de bien définir la réception de la pièce chez le public… Même les interprètes découvrent le sens profond seulement lors des premières représentations, lorsque les spectateurs s’immiscent enfin dans le processus. La petite dernière de Cédric Landry est d’ailleurs assez étonnante: en apparence légère et comique, la pièce aborde plusieurs sujets (l’identité, l’exil, la réussite, le couple, le voyage, la famille…). Je crois que le public quitte le théâtre avec plusieurs questionnements philosophiques et, je l’espère, avec un sourire aux lèvres. »