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Les échos du réveillon

Par Le bruit des plumes le 2017/02
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Les échos du réveillon

Par Le bruit des plumes le 2017/02

En 2015, en concordance avec la politique culturelle de la MRC des Basques, les Compagnons de la mise en valeur du patrimoine vivant de Trois-Pistoles mettaient en branle un projet d’enquête patrimoniale. De dévoués enquêteurs sont partis à la chasse au trésor à travers la MRC pour extirper du fond des tiroirs de précieux bouts de souvenirs, des moments d’incurable nostalgie, de grands moments de bonheur oublié. Porteuse de ces histoires, l’équipe vous propose de suivre sa chronique où elle présente le fruit de ses recherches en vous racontant Les Basques.

Noël 2016 derrière nous, quelques bribes heureuses subsistent dans nos esprits telles des épines de sapin agrippées aux mailles du tapis, résistant à l’aspirateur du redouté retour au travail. Des épines qui, en juillet, s’attaqueront à la plante de nos pieds pour nous remémorer ces gais fragments et nous donner, malgré un soleil de plomb, des envies de rassemblements chaleureux, de traditions familiales, et le goût de se raconter le passé, le présent et le futur. Mais qu’est-ce qui peut bien réchauffer le cœur des gens des Basques lorsqu’ils se réunissent? Qu’est-ce qui allume jusqu’aux petites heures du matin le brasier de leur parlure?

Chez les Dumas, on pousse la chansonnette. Dans la cuisine, au salon, au sous-sol, du plus faux au plus juste, du neveu à la mamie, les harmonies vocales remplissent de souvenirs les trous de serrure et les craques du plancher. Leur chef d’orchestre? Le cahier de La Bonne Chanson, recueil de chants québécois et canadiens créateur de doux moments depuis des décennies. Entre deux vers de « C’est à Trois-Pistoles que j’ai vu le jour », les Dumas réalisent qu’ils chanteraient comme ça pendant des jours, et nulle part ailleurs.

Chez les Barrette, on se fait des peurs. Au sous-sol, sous un bouclier de couvertures, les plus jeunes se tiennent en demi-cercle serré, attentifs aux épouvantes des plus vieux, racontées à la lueur des flashlights. « Le drame de Bibitte », « Le double meurtre de Cap-à-l’Aigle », « L’enfant disparu de Saint-Guy », ces histoires vécues ont autrefois glacé le sang de toute la région et hantent maintenant le réveillon des petits-enfants Barrette. Des cris glissent sous les portes, troublant la partie de cartes des adultes qui s’échangent des regards amusés, un frisson du passé leur parcourant l’échine.

Chez les April, on arpente le banc de quêteux. La fratrie se catapulte dans sa tendre enfance et chacun renchérit sur l’exactitude de sa mémoire. La maison familiale, première à l’ouest du village, fut le refuge d’innombrables survenants. La mère April offrait toit et couvert, mais jamais d’argent. Jamais depuis ce quêteux qui, demandant la charité, avait reçu une cenne de la matriarche. Il s’était alors installé sur le balcon pour faire ses besoins. « Qu’est-ce vous faites là? » « Avec une cenne, on va pas chier loin! », lui avait-il répondu. Même après cent fois, les rires envahissent la maisonnée.

Chez les Charbonneau, on se pète les bretelles. Chasseurs dans l’âme, on passe des heures à vanter la taille de ses prises, à recréer des scènes de capture, à décrire le suspense jusqu’à l’appui sur la gâchette. Personne n’a vraiment raison, personne n’est vraiment le meilleur, mais personne ne veut vraiment gagner. On aime simplement ces moments de camaraderie et de fausse vanité, pendant que les arômes de cipaille à la viande de bois titillent l’appétit. On aime se rappeler la fois où le père fut surpris par un orignal les culottes baissées… 25 minutes à attendre que la bête s’éloigne pour ne pas l’effrayer! L’anecdote de toutes les anecdotes.

Chez les Bélanger, on s’émerveille. Lorsque papi Bélanger s’assoit dans son fauteuil, on laisse tout en plan, et le temps s’arrête. C’est l’heure d’un nouvel épisode, la suite d’une histoire fantastique morcelée en rendez-vous annuel. Quand a-t-elle débuté? Se terminera-t-elle? Nul ne sait. Mais papi ne se passerait pas de ce moment, ses êtres chers devant lui comme le plus beau des panoramas. D’année en année, il continue là où il avait laissé, comme si l’épisode d’avant s’était passé la veille. Et entre chaque phrase, chaque respire, sa mémoire s’empresse de prendre un cliché de ces avides yeux ébahis.

Il paraît aussi que chez les Beaulieu, on organise un concours de blagues cochonnes une fois la marmaille assoupie. Peu importe ce qu’on se raconte, l’important est de se raconter. Et dans les foyers des Basques, réveillon ou pas, le brasier d’une parlure vivante ne semble pas vouloir s’éteindre de sitôt!

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