Champ libre

Choisir la vie

Par Clémentine Nogrel le 2017/01
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Champ libre

Choisir la vie

Par Clémentine Nogrel le 2017/01

Entre Prévert, un punk et un mouton noir se trouve Michel Vézina. Pour son quatorzième livre, l’auteur a choisi le titre Pépins de réalités, tiré d’un poème de Jacques Prévert, sur lequel s’ouvre le récit lysergique paru chez Tête Première à l’automne 2016.

Ce récit traite d’un personnage qui oscille entre la figure de l’écrivain et celle du clown. Il cherche à « trouver un engagement du texte qui permettrait d’inventer de décrire et de documenter dans un seul élan, une seule forme. Et par le fait même, arriver à me-je-tu-la raconter. »

L’ouvrage, composite, aborde son sujet sous l’angle de la poésie, du roman et de l’essai. Qui plus est, Michel Vézina nous convie dans un univers intime : son quotidien, ses amis, le milieu alternatif de la littérature et de la musique québécoise dont il est proche. Cet univers de l’intime peut parfois sembler déconcertant. Le texte ne propose pas de repères pour mieux comprendre cet univers : rien n’y est cartographié, aucune date ni explication ne sont données, du moins explicitement.

Pourtant, ce livre est un véritable cœur ouvert qui donne à voir et à imaginer ce que les yeux de l’auteur ont vu, ce que ses narines ont senti, ce qu’il a bu et les effets qui ont suivi, d’une façon si immédiate que la sensation d’ivresse traverse le livre et s’ancre dans le lecteur, qui devient lui aussi un peu saoul.

Un texte qui donne envie de « voyager boire créer aimer courir crier ne pas laisser la mort rattraper la vie », sans ponctuation pour ne pas laisser à la noirceur le temps de s’immiscer. Pas un souffle pas un point pas une virgule. Mais cette absence ne dure pas. Les points reviennent, car courir sans cesse mène à une illusion dont l’auteur prend conscience rapidement : « À 17 ans, il a compris qu’il n’empêcherait jamais sa propre mort. Ce jour-là, il est devenu clown. »

Michel Vézina, c’est aussi le créateur de la librairie ambulante Le Buvard, qui fait parler d’elle à travers le Québec. Un camion-librairie-repère-pour-les-fous qui assure l’été un roulement de la littérature sur les routes québécoises. Michel est un marginal qui veut partager « ses pépins de réalités ». En cela, il est un porte-parole car la parole, il l’a. Il est entendu, il est lu. Il est reconnu pour son travail et, de cette manière, il agit à la façon d’un kaléidoscope pour les autres « clowns » en réfléchissant à l’infini la lumière de ceux et celles dont on ne distingue pas encore la parole.

« Il faut vivre. Envers et contre tout. Créer. Crier. » Comme on dit, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, et c’est avec la même conviction que la création est le plus grand rempart à la mort pour Michel Vézina, qui creuse encore et encore ses textes pour exprimer le choix inconditionnel qu’il a fait pour la vie d’artiste. L’écriture de Michel Vézina fascine par sa passion pour les saltimbanques, les femmes, l’amour, les chums : pour la vie.

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