Financer une civilisation par la publicité, c’est comme
essayer de nourrir quelqu’un en reliant son anus à sa bouche par un tube.
– Jaron Lanier, auteur
Y’a un mois, un ami chroniqueur, qui écrit pour un journal appartenant à un média de masse, s’est vu refuser une de ses chroniques. Il avait taquiné deux annonceurs qui achètent de la publicité dans ledit journal. Chose commune de nos jours, on a préféré ne pas publier sa chronique plutôt que de prendre le risque de perdre une source de revenus. Il n’y a pas si longtemps, on aurait osé. Mais maintenant, depuis que Google et autres géants avalent les contrats de publicité et que les gens ne payent plus pour de l’information indépendante, les choses sont plus fragiles. Si j’en parle, c’est que cette situation est commune à tous les médias.
À la télé et à la radio, c’est encore pire. Il n’est pas rare de se faire dire : « Le principal commanditaire de l’émission, c’est des produits de beauté. Alors, tes blagues doivent s’adresser à ceux qui consomment ces produits. » On ne cherche pas à s’adresser à l’intelligence des citoyens et des citoyennes. Non. Trop dangereux. Mais aux instincts des consommateurs. Les médias de masse demandent aux artistes vedettes de sculpter les neurones des gens pour créer de grosses têtes molles, perméables à la publicité. On subit l’agression publicitaire. On nous bourre la noix d’un monde inhumain. La liberté d’expression n’est pas possible si la création et l’information sont soumises à la publicité. Mais qui paie les violons choisit la musique!
Alors, soit on censure les voix plus radicales, soit on engage des carriéristes qui s’autocensurent avant même d’écrire, de créer ou de lâcher un pet. Alain Deneault en parle comme des gens médiocres, ni bons ni mauvais, qui ont choisi de jouer le jeu du pouvoir.
On pourrait qualifier l’idéal du journalisme ainsi : transmettre aux citoyens et aux citoyennes une synthèse judicieuse des événements pertinents afin qu’ils puissent participer aux débats publics en toute connaissance de cause.
La poursuite qu’a intentée Québecor contre Le Journal de Mourréal, une parodie du Journal de Montréal, nous aura au moins appris comment l’empire nomme ses lecteurs : « le consommateur ordinaire plutôt pressé ». Non seulement cette appellation traduit le mépris qu’a le journal pour les citoyens, mais illustre aussi la vision qu’a Québecor de l’idéal journalistique. Car on ne crée pas la même information pour un citoyen éclairé que pour un consommateur pressé. Au moment d’écrire ces lignes, l’empire Québecor utilise sa convergence pour partager ces nouvelles : « Il photographie un fantôme près d’une scène d’accident », « Les recherches de Pokémon montent de 136 % sur Pornhub », « Plein de pitounes pour accueillir Dan Bilzerian au Beachclub », « Fini la porno chez McDo! ». Impertinent, abrutissant et de très mauvais goût. Normand Brathwaite ne leur lancerait même pas un piment. Ils sont à la fois le média et la parodie dans le même journal.
Quelle est l’ultime mission des médias de masse qui abritent les carriéristes médiocres, les licheux d’cul aux lèvres brunes, les laquais du pouvoir et les p’tites vedettes vendues? L’ancien journaliste au New York Times Doug McGill répond : « Créer un monde où les millionnaires se sentent en sécurité. »
Du 3 au 12 novembre, partout au Québec se dérouleront les Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI) organisées par des organismes de coopération (par exemple le CIBLES à Rimouski). À travers le thème cette année À humanité variable, on nous pose des questions sur le rôle que jouent les médias dans notre compréhension des enjeux internationaux, notamment les relations nord-sud. Pourquoi nous dit-on que « l’Afrique est pauvre et qu’on les aide », alors qu’en vérité, l’Afrique est riche et qu’on les vole? Pourquoi certaines guerres sont ultra médiatisées alors que d’autres, pas du tout?
Est-ce que certains médias prennent notre tête pour toilette? Absolument, et les étrons sont commandités!