
La santé est un sujet qui revient souvent dans une conversation, simplement car elle recoupe tous les autres aspects de notre vie. La santé est reliée à l’environnement, au travail, à la nourriture, au logement, au sport, à tout. Un autre aspect de ce sujet, est celui de notre système de santé collectif. En tant que thérapeute en médecine complémentaire j’en vois la nécessité et le sérieux avantage qu’il donne sur l’état de santé collective québécoise. Il me semble toujours étonnant d’entendre un ami, normalement de gauche, prétendre que notre système de santé est coûteux et inefficace, et que l’on doit faire de la place au privé. Il va sans dire que cela semble représenter assez bien l’humeur générale au Québec. En fait, rien de plus normal! Les médias les plus écoutés ne font que véhiculer cette idée et nous présenter le système de santé sous son plus mauvais jour. Pourtant, il vaut la peine d’être défendu! Je suis content d’avoir un excellent service sur lequel je peux dépendre, de pouvoir référer un docteur afin qu’il s’assure que le patient n’a rien de grave ou en cas d’urgence, sans que cela ne fasse un trou dans son portefeuille. La pratique le démontre bien, lorsqu’un problème est vu rapidement et que les bons gestes sont posés, la personne se rétablit plus rapidement et le problème affecte moins les autres sphères de sa santé. Il est donc important que l’argent ne devienne pas un obstacle à l’accès aux soins, entre autres, et que tout un chacun puisse recevoir des soins au besoin, car il s’agit là d’un droit fondamental, celui de la santé. Il me semble que plusieurs actions gouvernementales pourraient être entreprises afin de rendre le mécanisme moins laborieux. Enfin, notre système est encore tout jeune, il n’a pas plus de 50 ans! Pourtant, notre gouvernement préfère se désolidariser et procéder à un sabotage systématique.
Autrement, pourquoi notre système de santé va si mal? La réponse à cette question n’est pas simple, car on nous présente sempiternellement la mauvaise information! Enfin, c’est ce que j’ai pu découvrir dans le livre agrémenté de faits vécus du docteur Alain Vadeboncoeur, Privé de soins, Contre la régression tranquille en santé. Écrit en 2012, notre cher docteur doit aujourd’hui regretter les années Charest, car le démantèlement de notre système de santé public se fait présentement à la vitesse grand V. Pourtant, si la population avait la bonne information – des chiffres étonnants au final – on se demanderait pourquoi on laisse une telle institution disparaître! Donc, chiffres à l’appui, le Dr Vadeboncoeur y voit plus clair et sait très bien que la privatisation n’est pas une solution, mais au contraire un subterfuge afin de soutirer un maximum d’argent aux contribuables. Sa méthode est de partager les dépenses et d’analyser les attributions pour voir comment l’argent est dépensé et pourquoi les sommes nous semblent si astronomiques. Puis, afin de mettre les choses en perspective, il compare ce qui se fait au Québec avec ce qui se fait dans d’autres nations ayant opté pour un système de santé largement privé.
La croissance est l’un des fondements de l’économie; pour les actionnaires l’assurance privée est égale à l’ouverture d’un marché lucratif de plusieurs milliards. « Plusieurs groupes d’intérêts organisés, efficaces et disposant de moyens puissants, souhaitent vraiment accaparer ce marché du financement privé de la santé, évalué à au moins 2 milliards de dollars annuellement seulement pour le Québec[1]. » Dans un système de santé public où le gouvernement se charge de régler la facture, il y a redistribution des ressources; lorsqu’il ne la règle pas il s’agit du principe de l’utilisateur-payeur. Les soins non couverts sont dits « complémentaires », car ils ne s’appliquent qu’à ce qui n’est pas couvert par le régime public et administré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Au Québec, est couvert ce qui est « médicalement requis », ce qui comprend les tests et les interventions susceptibles d’améliorer la santé. Ainsi, plusieurs soins échappent aux assurances privées, par exemple : il est interdit d’assurer quelqu’un pour une chirurgie cardiaque ou une radiographie des poumons. Il y a donc mainmise sur ces interventions. L’avantage ici d’un régime public est que l’objectif n’est pas le profit, mais bien de donner les meilleurs soins possibles, de suivre et de respecter les plus hauts standards afin d’éviter les complications. Étrangement, nous préférons éviter toute intervention médicale aux États-Unis, suite à un accident par exemple, car les factures sont salées, tellement qu’elles sont la première source de faillites dans ce pays. Il est intéressant de comparer les dépenses de nos États respectifs en pourcentage. Si la somme de toutes nos dépenses au Québec est égale à 100 %, le pourcentage de nos dépenses en soins est de 12 %. Aux États-Unis, 18 % de leurs dépenses sont alloués aux soins de santé, la preuve qu’un système privé de santé est plus coûteux. Considérant que ce 6 % additionnel représentent des milliards, vous croyez vraiment qu’ils le font pour que la population ait un meilleur système de soins?
Pour prendre du recul, le Dr Vadeboncoeur y va de quelques exemples afin de permettre au lecteur de mettre les choses en perspectives et de réaliser que notre situation n’est pas aussi catastrophique que les médias le laissent entendre. Tout d’abord, lorsqu’on indique que notre système de santé public accapare plus de la moitié du budget gouvernemental de 63 milliards, il y a de quoi froncer les sourcils. Ce que l’on omet de nous dire, c’est qu’effectivement, 63 % du budget du système de santé vont aux services sociaux. Donc c’est bien 30 % des dépenses du gouvernement qui sont alloués aux soins. Sur ce montant, Vadeboncoeur précise qu’« il y a trois postes de dépenses, soit les hôpitaux (comprenant le personnel hospitalier, donc la majorité des infirmières), les médecins et les médicaments. Pour le Québec, durant une période à peu près analogue, entre 1975 et 2009, le pourcentage des dépenses totales en santé attribuable aux hôpitaux est passé de 48 % à environ 27 %, celui des médecins de 14 % à 12 % et celui des médicaments de 8 % à près de 20 %[2]. » Encore une fois, on nous trompe, car de toute évidence ce ne sont pas les dépenses publiques (médecins et hôpitaux) qui sont hors contrôle, mais bien celles des médicaments!
Puis il y a la question des responsabilités dans un système à deux vitesses public/privé, un système que souhaite notre gouvernement. Dans son livre le Dr Vadeboncoeur nous explique que ce type de système à deux vitesses ne fait qu’alourdir la section publique. Tout d’abord, nous avons un nombre déterminé de docteurs, et chaque docteur qui choisit le secteur privé cesse d’œuvrer dans le secteur public, ce qui a pour conséquence de ralentir le débit aux urgences et d’allonger les listes d’attentes pour les chirurgies. Puis, il y a le fait que les assurances privées sont au service des mieux nantis, qui sont les personnes les plus équilibrées de la société, car elles sont adaptées au système et capables de décrocher des postes importants et lucratifs. Cette part de la population demande moins de soins et moins de suivi, elle est donc plus profitable aux compagnies d’assurances, car elle comporte moins de risques de façon générale. Les cas lourds, pour leur part, n’ont pas le choix et doivent s’en remettre au système public afin de recevoir les soins qu’ils nécessitent. Les compagnies d’assurances ont avantage à minimiser les risques afin d’obtenir un maximum de gain possible. Dans cet ordre d’idée, toute complication due à une intervention effectuée en clinique privée est transférée au système public!
Enfin, j’ai cru important de partager cette information. Nous avons un système de santé public qui fait l’envie de plusieurs. Nous devons le reconnaître et cesser de croire que notre gouvernement fait une faveur à la population, il n’en est rien du tout! Ce démantèlement de notre système de santé public ne profitera qu’aux actionnaires, donc grosso modo au 1 %, et pour les autres, nous n’en verrons que les conséquences. En tant que thérapeute en médecine complémentaire, même si je ne profite aucunement de l’argent investi dans notre système de santé public, je crois qu’il forme un maillon primaire de notre filet social; sans lui il n’y aurait personne vers qui se tourner en cas de besoin. Je lui souhaite longue vie et je lève mon chapeau à tout ceux qui travaillent avec passion, tel Alain Vadeboncoeur, afin que l’on réalise quelle chance on a d’avoir un système de santé tel que le nôtre.
[1] VADEBONCOEUR, Alain (2012). Privé de soins, Contre la régression tranquille en santé. Montréal : Lettres Libres, p. 63.
[2] VADEBONCOEUR, Alain (2012). Privé de soins, Contre la régression tranquille en santé. Montréal : Lettres Libres, p. 73.