Le blogue du rédac

Le Rapport Lanoue-Mousseau : un outil de développement régional

Par Jean-Michel Marcoux le 2015/04
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Le Rapport Lanoue-Mousseau : un outil de développement régional

Par Jean-Michel Marcoux le 2015/04

Dans cette section, le rédacteur en chef du Mouton Noir, Marc Simard, partage avec les lecteurs ses coups de gueule, des textes coup de cœur de collaborateurs et encore plus…

Cette semaine, Marc vous invite à lire le texte de Jean-Michel Marcoux sur le rapport Lanoue-Mousseau préparé pour la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.

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À l’heure où les politiques d’austérité s’accentuent et vont même à l’encontre des recommandations pourtant ultralibérales des grandes organisations telles que le FMI ou encore la Banque mondiale, certains pays emboîtent le pas vers de nouvelles avenues en matière économique. Depuis maintenant plus de quinze ans, l’environnement est au cœur du processus de la prise de décision. Plus ou moins respectés, les principes de la politique du développement durable permettent tout de même l’exploration de nouvelles façons de faire. Dans cet ordre d’idée, les co-auteurs Roger Lanoue et Normand Mousseau ont produit, à la demande de la Ministre des Ressources naturelles et de la Faune, un vaste rapport1 qui pointe vers de nouvelles avenues politiques et économiques. La particularité du rapport, et ce qui le démarque, c’est le fait d’articuler une analyse des grands enjeux énergétiques de notre temps au contexte économico-politique mondial, national et régional. Sans avancer de réponses toutes faites aux problématiques énergétiques, le rapport ouvre la porte à une réflexion profonde sur notre avenir énergétique.

Pour les co-auteurs du rapport, l’histoire énergétique au Québec fait face à un nouveau paradoxe : au moment même où le cours de l’énergie est en baisse perpétuelle engendrée par des transformations importantes du secteur énergétique mondial, Hydro-Québec se voit confier le mandat d’élargir sa base énergétique, notamment dans la production d’électricité. C’est dire par là que les avantages comparatifs que constituait l’abondance des énergies renouvelables tombent en désuétude au moment même où les gouvernements successifs exigent toujours plus de capacités de production. Il appert que depuis 2006, les nouvelles infrastructures électriques ne sont effectivement plus rentables. La course aux nouveaux approvisionnements dans un « marché de surplus » n’est plus la marche à suivre, le modèle est donc à revoir. L’idée n’est pas ici de cesser tous nouveaux chantiers, mais de mieux utiliser les surplus déjà accumulés et de cibler les projets qui pourraient être rentables. Pour ce cas précis, le calcul pour la production de nouvelles capacités électrique devrait être envisagé selon les prix du marché hors pointe.

Le paradoxe québécois touche directement les régions. Ancrées dans le paradigme productiviste, de la mono-industrie et des pôles de croissance, les régions seront les premières touchées par les contrecoups d’une crise déjà envisagée – si rien n’est fait. Projeter et prévoir une sortie de crise exige d’élargir notre perception du secteur énergétique et, du même coup, de repenser les bases de l’économie du Québec en matière d’énergie. L’approche productiviste ou encore « de la grande consommation » doit effectivement faire place à une tout autre approche, ancrée dans la durée et basée sur le territoire celle-là. Et c’est ce à quoi nous convie le rapport Lanoue-Mousseau.

Du point de vue de la ressource, le pétrole revêt une forme multivariée qui ne peut être remplacée que par une source unique d’énergie. Le Québec a par ailleurs un énorme réservoir en énergie renouvelable. La stratégie énergétique proposée par les auteurs du rapport repose sur une idée assez simple : le transfert du pétrole vers des énergies renouvelables par un déplacement économique. Cette nouvelle politique serait basée sur la capacité de remplacer les hydrocarbures fossiles par plusieurs sources d’énergie propre et renouvelables celle-là. Intégrées à part entière dans l’économie, celles-ci vont générer des secteurs entiers de production et stimuler par le fait même la recherche et de développement. Nous avons là l’architecture d’un modèle de développement où l’énergie entretient le rapport entre les niveaux de gouvernance régionale et nationale. Les auteurs du rapport cherchent ainsi à concevoir un cadre d’analyse et des outils d’intervention qui donneraient une cohérence à ce secteur névralgique de l’économie québécoise.

Les auteurs proposent d’ailleurs la mise sur pied d’une nouvelle structure de gouvernance, « La Société pour la maîtrise de l’énergie au Québec » (SMEQ) et d’un Consortium de recherche de haut niveau. La SMEQ aurait l’avantage de permettre une intégration d’office de la planification régionale. Ce qui nous semble aussi urgent que pressant considérant le fait que le développement régional a toujours été exclu des politiques énergétiques du Québec et, inversement, le secteur énergétique ne fait jamais partie des politiques nationales de la ruralité. Qui plus est, il n’y a présentement aucune volonté économique etou politique de structuration des régions au Québec.

Dans ces circonstances, le rapport se veut un outil de compréhension et d’analyse fort utile pour le développement régional. Les auteurs prônent une stratégie énergétique qui envisage la sortie du pétrole comme fer de lance pour la relance du secteur énergétique au Québec. Les surplus actuels pourraient être utilisés en ce sens, le déplacement économique comme voit de sortie de crise en serait d’autant plus avantagés. L’ensemble du territoire québécois est riche en énergies renouvelables. Or, les politiques énergétiques se complaisent dans un modèle désuet qui s’enlise dans la recherche d’une « rente énergétique » qui est de plus en plus encline à l’amenuisement. L’approche novatrice dont les bases n’ont pu être que survolées ici vise, à l’image des grands chantiers qu’a connus le Québec, à renouer avec une approche patrimoniale du secteur énergétique au Québec. Voilà un document à lire avec attention.

  1. Maîtriser notre avenir énergétique – Pour le bénéfice économique, environnemental et social de tous, Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, Lanoue & Mousseau, Ministère des Ressources naturelles, Gouvernement du Québec, Québec, 2014

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