
Dans cette section, le rédacteur en chef du Mouton Noir, Marc Simard, partage avec les lecteurs ses coups de gueule, des textes coup de cœur de collaborateurs et encore plus…
Cette semaine, Marc vous invite à lire le texte de Thomas Briand-Gionest de Rimouski sur les coupes des budgets ou l’abolition de certains organismes de développement régional et leurs impacts sur la population.
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Il faut en venir à l’évidence, certains décideurs politiques et économiques ont fait le choix d’achever les régions qui, jusqu’à présent, refusaient de mourir. À voir les actions de l’actuel gouvernement du Québec, comment ne pas en venir à la conclusion qu’il s’attaque directement aux régions? Certes, ce n’est pas la première fois! Il suffit de se rappeler les actions du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec lorsque le gouvernement avait décidé de fermer arbitrairement certains villages au nom de l’efficacité administrative. Seule la détermination des citoyens d’alors avait permis de « limiter les dégâts ».
Cependant, les coupes annoncées tous azimuts sont beaucoup plus pernicieuses que ce qu’on a déjà connu. La plupart des régions du Québec doivent composer avec un grand territoire occupé par une faible population. Cette réalité démographique pousse les occupants à redoubler d’ingéniosité et de débrouillardise afin de s’épanouir socialement et économiquement. Les régions ne sont pas seulement le grenier alimentaire du Québec et une réserve de ressources naturelles qui ont comme strict objectif de fournir les grands centres. Elles sont aussi un milieu de vie dynamique où plusieurs entreprises s’installent pour profiter du savoir-faire local. Un milieu où des familles décident que leur vie doit différer de celle de leurs homologues des grands centres. Les régions sont aussi un lieu où la culture québécoise prend une couleur régionale faisant vibrer non seulement les touristes du monde entier, mais aussi le cœur de leurs propres occupants.
Quand on regarde le développement des régions, il faut examiner l’ensemble de leurs particularités. Vouloir développer le Québec à partir des grands centres, que ce soit la métropole montréalaise ou la capitale nationale, ne fera que fragiliser notre capacité collective de faire face aux défis sociétaux du Québec de demain. Actuellement, le gouvernement fédéral nuit et affaiblit le Québec et ses régions par des coupes dans les institutions, la recherche, les services de Postes Canada, sans compter les innombrables compressions à Radio-Canada. Parallèlement, celui qui devrait défendre nos intérêts, le gouvernement québécois, coupe encore plus fort, et cette fois dans les moteurs mêmes du développement régional. On retire le moteur et la mécanique et on nous demande d’avancer aussi vite mais avec la carrosserie seulement!
Plus les semaines avancent, plus le plan du gouvernement du Québec se dévoile. Sous prétexte de remettre plus de pouvoirs aux instances régionales et aux municipalités, on dépouille nos régions, prétendant rationaliser pour ne réaliser finalement que des économies de bouts de chandelles, et ce, sans aucune planification ni consultation. Le gouvernement coupe en espérant que le bruit du saccage ne dérangera pas trop le quotidien des grands centres qui, tôt ou tard, écoperont également.
Pour le gouvernement actuel, l’austérité sert de prétexte à une tentative de démantèlement de l’État du Québec tout entier. Sous l’égide du pacte fiscal, on supprime les centres locaux de développement (CLD) et les conférences régionales des élus (CRÉ) afin de transférer leurs responsabilités aux MRC, et ce, en ne faisant suivre que 50 à 70 % de leur budget. La diminution de la concertation nous coûtera, semble-t-il, moins cher. Pourtant, les CLD et les CRÉ sont des vecteurs importants de développement. Ils permettent principalement aux acteurs de se concerter et de mettre en place des projets structurants entre les différentes localités. Ils canalisent également les opportunités qui s’offrent à ceux qui désirent créer de la richesse en région. En fait, l’abolition des CRÉ marque une volonté ferme et à peine dissimulée de museler les régions en leur enlevant une institution fondamentale où pouvaient s’établir des consensus quant à leur propre développement en fonction de leurs intérêts suprarégionaux, tout en respectant les besoins locaux. C’est justement cette concertation et ces consensus qui nous ont permis jusqu’à maintenant non seulement de nous développer, mais d’éviter de disparaître.
La dette n’est pas le plus grand frein au développement du Québec de demain, c’est plutôt l’absence d’une synergie positive entre toutes les régions du Québec, qu’elles soient urbaines ou rurales, ou pourquoi pas un peu des deux. Je considère que notre développement collectif en tant que Québécois, tant de droite que de gauche, passe par un Québec qui peut s’appuyer sur des régions socio-économiquement fortes et à qui on donne des moyens tangibles de contribuer à un développement collectif responsable. Nous sommes en droit de demander un plan de développement à nos élus, et non pas une improvisation mixte en sabotage social