Champ libre

L’offrande de Nicolas Paquet

Par Karine Tanguay le 2015/01
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Champ libre

L’offrande de Nicolas Paquet

Par Karine Tanguay le 2015/01

« Nous sommes ce qui nous précède, nous sommes toujours là nous, sommes » – Marie-Andrée Gill

Après nous avoir offert dans un premier souffle poétique insurgé son premier long-métrage La Règle d’or, mettant en relief les conséquences de l’exploitation d’une mine à ciel ouvert, le cinéaste Nicolas Paquet poursuit sa réflexion engagée sur le déracinement des familles et des groupes le plus souvent laissés pour compte. De même que pour le travail précédent, le documentaire, Ceux comme la terre, né d’un soupir du cœur, donne, dans un élan de générosité, la parole au peuple.

Nicolas Paquet explore le parcours de René Fumoleau, missionnaire oblat français, qui en 1953 a vécu sur les rives du Grand lac des Esclaves, dans la communauté des Dénés, nom qui signifie littéralement « ceux qui sont comme la terre ». Installé dans les Territoires du Nord-Ouest afin d’évangéliser les Indiens, le missionnaire fera la découverte du quotidien des Dénés, ce peuple qui a retrouvé dans la parole la force d’affirmer sa place et qui, avec résistance, répond aux affronts gouvernementaux.

Pendant plus de 60 ans, Fumoleau se laissera porter par leur cause, celle d’une lutte contre la colonisation sauvage. Le cinéaste prend le pari de rendre à l’écran ce pour quoi les Dénés combattent : le respect des terres et la préservation de leur culture. Devant le pillage de leurs richesses, l’inquiétude des opposants est palpable.

« Trois semaines plus tard, l’arbre est jeté aux ordures. Tu sais pourquoi René ? Parce qu’on a coupé ses racines. » (extrait)

Le documentariste fait découvrir un territoire qui nous échappe en nous enseignant comment le peuple des Dénés, si près de nous, l’habite, le reprend et le défend. Devant la caméra, quelques Dénés brisent le silence et s’expriment librement. On entend alors à la fois l’amertume des citoyens et l’importance de leur entreprise de décolonisation. Ils font opposition au colonialisme et tentent de reprendre les grappes de ce qui doit leur revenir. Là où des profits se font, des conflits naissent. Le film de Nicolas Paquet leur répond en faisant l’éloge d’une terre, que les compagnies minières cherchent à spolier, mais qui se voudrait inatteignable par sa beauté. Une parole, en marge d’une pensée monolithique.

« D’ailleurs, Territoires du Nord-Ouest, ce n’est pas vraiment un nom, c’est une direction à partir d’Ottawa. » (extrait)

À travers des horizons vertigineux et des paysages aux arbres centenaires, Nicolas Paquet trace le portrait d’un peuple qui tente désespérément de conserver une culture issue de l’héritage des traditions. Entrer dans ce documentaire, c’est se mesurer à une vision sensible de l’être humain et de son environnement et participer à une incursion dans un quotidien que nous ne voyons plus et qui témoigne de réalités criantes.

« Ma mère et mon père seraient fiers que je vous aie fait un feu et du thé. » (extrait)

Ceux comme la terre est un documentaire éloquent qui met en lumière plusieurs problèmes et qui prend le parti de la responsabilité citoyenne. Un art sensible qui écoute la rumeur qui court comme une promesse.

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