Dans cette section, le rédacteur en chef du Mouton Noir, Marc Simard, partage avec les lecteurs ses coups de gueule, des textes coup de cœur de collaborateurs et encore plus…
Cette semaine, Marc vous invite à lire le texte d’Annie Manseau de Rimouski sur l’école à la maison.
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L’école à la maison est une option qui a la particularité de ne pas reproduire le modèle scolaire. Ce choix assure aux parents plus d’autonomie, de liberté et de responsabilités sur les parcours éducatifs et pédagogiques de leurs enfants. Dans le cadre d’une recherche menée à l’Université du Québec à Rimouski, j’ai rencontré des enfants ayant suivi ce type de parcours. L’analyse de leur témoignage révèle, d’une part, qu’ils sont heureux de ce choix et, d’autre part, que le contexte familial permet de mieux répondre à leurs besoins. De plus, il est apparu évident que les responsabilités reliées à la vie familiale ainsi que la liberté de choix leur permettent de donner un sens aux différents apprentissages qu’ils font et d’assumer leurs obligations. De mon point de vue de chercheuse, j’ai la vive impression que la qualité de la présence de l’adulte pédagogue et de ses interventions éducatives a plus d’influence sur l’enfant que les différentes options de scolarisation.
Il est important de distinguer deux réalités : celle de l’enfant libre de choisir mais accompagné d’un adulte pédagogue et celle de l’enfant-roi. D’après l’auteur Carol Allain1, l’enfant-roi est celui dont le parent répond aveuglément aux demandes incessantes sans lui imposer de limites. Cet enfant vit dans un monde souvent axé sur la consommation et se croit seul aux commandes. Il est accompagné d’un parent indifférent aux questions reliées à l’éducation, au sens de la vie, à la solidarité et à la communauté. Par conséquent, la coopération de ces enfants à la maison est inexistante, ils n’acceptent pas les responsabilités et n’ont qu’un respect occasionnel pour leurs parents.
Le contexte de l’école à la maison offre aux enfants la possibilité d’explorer la liberté de choisir qui implique le partage du pouvoir entre l’enfant et le parent. À cet effet, il y a, chez les familles que j’ai rencontrées, un dialogue important sur la liberté de choix et sur les obligations qui en découlent. Grâce aux échanges avec son parent, l’enfant a l’occasion d’explorer le sujet de manière collective. Il a aussi la chance d’être accompagné dans la recherche de sens et d’équilibre. À l’école, l’enfant n’a pas vraiment ce type d’échanges avec son enseignant. L’école à la maison offre ainsi un environnement propice au parent et à l’enfant pour explorer ce qu’est la liberté de choisir, ce qui prépare doucement l’enfant à sa vie adulte. Par ailleurs, signalons à ce propos ce que Christine Brabant a écrit dans son livre L’école à la maison au Québec. Un projet familial, social et démocratique : « plutôt que de chercher à dissuader les parents de choisir cette option et à contrôler ce mouvement éducatif, je propose d’accueillir cette innovation, de lui offrir un soutien public et d’en stimuler la maturation».
Il n’est pas inutile de rappeler que laisser l’enfant libre de choisir entraîne pour le parent la responsabilité d’accompagner son enfant pour lui donner la chance d’explorer ce qui l’intéresse et de persévérer. L’enfant perd souvent un temps précieux lorsqu’il est contraint à des tâches qui lui semblent insignifiantes et qui finissent par le plonger dans une lassitude qui l’éloigne de son projet de vie et de ce qui a du sens pour lui. Alors que pour l’adulte il n’est pas toujours facile de respecter le choix de son enfant ou d’en tenir compte, l’enfant, de son côté, n’a pas tout le rationnel d’un adulte pour s’exprimer. C’est pourquoi il n’est pas impossible d’imaginer que l’argumentation de l’adulte puisse facilement influencer ou détruire l’intuition de l’enfant.
Un adage africain dit que «pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village». En effet, l’éducation d’un enfant ne se limite pas à ses parents, elle relève aussi de son entourage. À première vue, on peut se permettre d’imaginer un modèle de village éducatif avec une ferme, une école de cirque, l’accès fréquent aux activités en plein air, une école à fréquenter au besoin. Cependant, afin que l’enfant ne se retrouve pas abandonné dans un monde de consommation d’activités dites éducatives ou qu’il ne papillonne constamment d’une place à l’autre, le plus important semble être la manière dont il est accompagné par l’adulte où qu’il soit, ce qui signifie la qualité de la présence de l’adulte, son écoute, sa créativité et son tact pédagogique. Et, le contexte de l’école à la maison permet cette disponibilité de l’adulte pour l’enfant.
- Carol Allain, Enfant-roi « Tout, tout de suite! », Les Éditions Logiques, 2004.