Qu’ont en commun germinal et marillet, vendémiaire et octembre ? La réponse à cette question est double : ce sont des néologismes d’auteur et ce sont des noms de mois. Un néologisme est dit d’auteur lorsqu’il vient d’une « œuvre » de cet auteur, qu’elle soit littéraire ou non. Ainsi, germinal et vendémiaire sont les noms, forgés par Fabre d’Églantine (1750-1794), dramaturge et poète, de deux des douze mois du calendrier républicain (ou révolutionnaire) qui, peaufiné de septembre à novembre 1793, a remplacé en France jusqu’en 1805 le calendrier courant. Ainsi, marillet et octembre sont les noms de deux des dix mois nouveaux apparaissant dans la chronologie de l’histoire racontée par Boris Vian (1920-1959) dans L’arrache-cœur (1953), son dernier roman. Ce livre est depuis longtemps en édition de poche, tout comme Germinal (1885), roman d’Émile Zola qui condense en son titre (lat. germen « germe ») ce qui germe en sortant de la terre et ceux qui font la grève – les mineurs – en sortant, eux aussi, de la terre, tout comme Alcools (1913), recueil de Guillaume Apollinaire dont le dernier poème, justement intitulé « Vendémiaire », rejoue l’étymologie de ce mot (lat. vindemia « vendanges ») en l’élargissant à l’ensemble du poème : « Tous les grains ont mûri pour cette soif terrible / Mes grappes d’hommes forts saignent dans le pressoir / Tu boiras à longs traits tout le sang de l’Europe ».
Autant Fabre d’Églantine revient au point de départ – le latin – de cette langue romane qu’est le français, autant Vian prend les mois tels qu’ils sont et, découpant et collant, dans l’ordre, mar(s) et (ju)illet, compose marillet, oct(obre) et (nov)embre, octembre. Pour « expliquer » cette temporalité, le personnage principal remarque : « Et maintenant, les mois sont devenus si drôles [= si étranges] – à la campagne, le temps, plus ample, passe plus vite et sans repères. Et qu’ai-je donc assimilé. Qu’ont-ils bien voulu me laisser. Que pouvaient-ils communiquer ? »
Puis-je ajouter que Vian, né en mars, transformant le c doux de décembre en un c dur au contact du a de mars, fait entendre dans décars, « dernier » mois de l’année, l’écart plus ou moins « ample » qu’il y a partout dans ce roman.
Puis-je ajouter encore que germinal, premier mois du printemps, commence le 21 mars, et vendémiaire, premier mois de l’automne, le 22 septembre ?