Actualité

Casser les monopoles

Par Philippe Etchecopar le 2013/03
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Casser les monopoles

Par Philippe Etchecopar le 2013/03

Le Cégep de Rimouski prend un virage informatique important et s’oriente vers le logiciel libre. Philippe Etchecopar du groupe Initiative science citoyenne (ISC) a rencontré Dany April, directeur adjoint à la Direction des services éducatifs, et Mario Côté, directeur de l’informatique au Cégep de Rimouski, pour comprendre ce qui a motivé cette décision.

ISC – Où en est-on avec le passage vers le logiciel libre au Cégep de Rimouski ?

Dany April et Mario Côté – Notre licence Microsoft Office ne sera tout simplement pas renouvelée et, en avril 2014, c’est la suite LibreOffice qui sera utilisée sur la majorité des postes informatiques du Cégep. Cette suite est très performante, elle contient un traitement de texte, un tableur, un logiciel de présentation, etc. Elle est déjà utilisée, notamment en Europe. Les professeurs du Cégep ont maintenant accès à cette nouvelle suite afin d’adapter leur matériel pédagogique. Du perfectionnement est offert et nos équipes travaillent à ce que l’essentiel des documents existants sous Microsoft puisse se retrouver sous LibreOffice. Dans la plupart des cas, le transfert de fichiers entre les deux suites ne devrait pas poser de problèmes.

ISC – Pour quelles raisons le Cégep passe-t-il à la suite LibreOffice ?

D. A. et M. C. – C’est pour faire suite au projet pédagogique que le Cégep s’est donné il y a quelques années. Ce projet insiste sur le principe d’accessibilité et sur des valeurs comme la collaboration. Comme la suite LibreOffice est gratuite, chaque élève peut se la procurer sur un site Internet précis et l’utiliser sur son ordinateur personnel. L’argent ne sera plus un obstacle. De plus, les logiciels libres sont développés et tenus à jour par des réseaux de passionnés qui partagent leurs découvertes et s’entraident. Les étudiants se familiariseront ainsi avec ces valeurs au cœur de notre projet éducatif.

ISC – Le facteur financier a-t-il joué un rôle important dans cette décision ?

D. A. et M. C. – Oui, en renonçant à renouveler notre licence Microsoft, le Cégep économise autour de 100 000 $. Sans compter qu’un logiciel libre est plus simple à gérer, les utilisateurs ont accès aux codes, réparent les éventuels bogues et partagent facilement leurs bons coups.

ISC – Quelles seront les retombées de ce transfert informatique pour les étudiants et sur l’enseignement ?

D. A. et M. C. – Très positives. Les étudiants vont se familiariser avec une suite qui prend de l’expansion. D’ailleurs, le secteur public amorce un virage vers les logiciels libres. En Allemagne, par exemple, 75 % des logiciels utilisés dans le secteur public sont des logiciels libres. Pour la France, c’est 77 % ! L’Europe est en avance. Ici on peut penser que les petites entreprises vont préférer utiliser une suite gratuite tout aussi performante que Microsoft Office. Nos étudiants seront formés pour proposer cette option à leurs futurs employeurs, sans compter les collaborations sous-jacentes aux logiciels libres.

ISC – Qu’en est-il dans les autres cégeps ?

D. A. et M. C. – Nous sommes un des premiers cégeps à se tourner vers le logiciel libre. Le mouvement va certainement s’étendre aux autres cégeps et dans la région, nous l’espérons. Le seul obstacle, c’est l’habitude, mais une fois qu’un premier saute le pas, d’autres seront tentés de le suivre.

ISC – Quelles sont les étapes à venir ?

D. A. et M. C. – D’abord, bien implanter cette nouvelle suite. Ensuite, nous avons un groupe de travail qui étudie la possibilité d’utiliser des logiciels libres pour remplacer des logiciels coûteux. Bruno Lavoie, conseiller pédagogique, propose, pour l’Association pour le développement technologique en éducation, quelques renseignements sur LibreOffice et un répertoire de logiciels libres. Comme le monde de l’informatique évolue de plus en plus rapidement, nous travaillerons à rendre accessibles aux élèves les outils qui apparaîtront et se développeront. Dans le domaine informatique, c’est un peu la tradition du Cégep de Rimouski depuis ses débuts.

Le contexte

Le printemps érable a soulevé un débat sur la nature de l’éducation : est-ce une marchandise dans laquelle chacun est libre ou non d’investir ou un bien commun enrichissant la collectivité ? Un débat similaire se tient autour des logiciels qui sont au cœur des systèmes informatiques à la base de notre société numérique. Ces logiciels sont-ils des marchandises appartenant à des intérêts privés ou relèvent-ils du bien public ? Doivent-ils être « ouverts » et accessibles à tous ?

Émergence du mouvement des logiciels libres

Au début de l’ère informatique, les logiciels étaient inclus dans les rares et gros ordinateurs vendus par des firmes comme IBM. Le développement de l’informatique et l’apparition de l’ordinateur personnel permettront à des entreprises, comme Microsoft et Apple, de transformer la mise au point de logiciels en un marché lucratif. Marché que ces firmes se sont empressées de cadenasser à leur profit par des brevets. C’est un chercheur du Massachusetts Institute of Technology, Richard Stallman, qui, le premier, s’est opposé à cette mainmise et qui a créé le mouvement Free Software Foundation, pour « libérer » les logiciels.

Un logiciel libre est, contrairement aux logiciels propriétaires, un logiciel dont les codes sources sont publics et que chacun peut reprendre et améliorer. Ces logiciels sont distribués aussi largement que possible et souvent gratuits. Bill Gates et Stallman ne partagent pas la même vision. Pour le fondateur de Microsoft, un logiciel est une marchandise appartenant à une entreprise et protégée par des brevets. Pour Stallman, un logiciel est une œuvre collective, conçue, améliorée et partagée par des citoyens travaillant pour le bien commun. Stallman et la Free Software Foundation ont développé un réseau de logiciels libres, à travers le projet GNU (GNU’s Not Unix), et ont bataillé contre les tentatives des compagnies d’étendre leur emprise à tout ce qui peut être breveté et, donc, exclu du domaine public. Le projet GNU propose un système d’exploitation informatique libre et ouvert. Linux s’y est greffé, devenant une solution de rechange à Windows.

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