Attention : L’écoute de I want to break free du groupe The Queen est nécessaire à la compréhension globale de cet article.
Mardi le 14 février à la microbrasserie Le Bien, le Malt avait lieu pour la troisième année l’événement [Dé]Cupidon organisé en collaboration avec Paraloeil.
Je ne serai jamais une fin. Ni amoureusement, ni sexuellement. Je ne serai jamais une fin. Jamais je ne pourrai dire : voilà je suis bisexuelle, voilà je suis hétérosexuelle, voilà je suis monogame, voilà je suis polyamoureuse. Parce que je suis un chemin, une voie, un parcours, un voyage. Je ne serai jamais accomplie, figée, terminée, achevée et mardi soir dernier, à la microbrasserie Le Bien le Malt, je n’étais pas seule. Enfin, ma différence, mon incertitude et ma soif de mouvement étaient plongées dans une masse compacte de gens qui, comme moi, se reconnaissent dans la fluctuation. Au milieu de la chaleur d’une foule où la proximité était autant physique que spirituelle, j’ai découvert que ma marge était en fait le lieu commun de nombreuses personnes. Chaque être humain est un voyageur singulier en constante mutation. Mais pour une raison qui me dépasse, nous recherchons tous un état figé, une fin. Comme s’il s’agissait d’une réponse ultime : voici ce que je suis et cet être est immuable. Comme s’il fallait chercher en nous une perfection qui se serait cristallisée en certitude pure, dénuée de remises en question. Combien de fois avons-nous assisté, dans notre histoire, à des massacres, voire à des génocides basés sur cette peur de la multiplicité des identités humaines ?
Mardi soir, grâce à l’événement [Dé]Cupidon animé avec humour par Julien Boivert et Julie Proulx, j’ai vécu un grand bonheur : celui de voir les autres. De les voir et de les goûter dans leur unicité extravagante.
Mardi soir, j’ai vu, grâce à Skype, une personne malentendante me montrer l’amour et le sexe avec ses mains, j’ai abordé l’extrême passion avec un Roméo et une Juliette trash, j’ai entendu un prêtre revendiquer et affirmer son droit à la masturbation et au fantasme, j’ai vu une lesbienne amoureuse et vieillissante (qui n’aime pas le mot « lesbienne », soi dit en passant) énumérer ses conquêtes comme l’aurait fait le plus macho des hommes. Mardi soir, j’ai vu toutes sortes de numéros et de films qui, chacun à leur manière, questionnaient notre façon figée d’aborder les concepts d’amour et de sexualité.
J’ai participé avec des êtres multiples à revendiquer haut et fort mon unicité. Et il me semble que, ce faisant, j’ai permis à l’humanité de poursuivre son mouvement et j’ai ajouté ma voix pour exiger de notre société qu’elle soit enfin à notre image : fluide, libre et aimante. Grâce à [Dé]Cupidon, j’ai eu l’impression, pour la première fois de ma vie, de réellement célébrer l’amour à la Saint-Valentin et non une construction vide de sens à laquelle nous nous efforçons de correspondre par peur d’être seuls ou abandonnés.
Des sexes de toutes les couleurs, des identités multiples, des genres mitigés, des êtres debout sur les frontières et des dizaines de gens qui chantaient en cœur I want to break free ; voilà ce à quoi a eu droit le public du cabaret [Dé]Cupidon le 14 février dernier.
Vidéo : [Dé]Cupidon le cabaret, 14 février 2012
[Dé]Cupidon le cabaret avec Emmamalin Larsson, Stéphanie Pelletier, Jean-Sébastien Bérubé, Katia Fournier, Valérie Sabbah, Rémy Bélanger de Beauport, Frère Jasmin Houle s.c., Julien Boisvert, Julie Proulx, Marie-Andrée Boivin, Servet Çizmeli, Élie Jardon et le Comité pour les droits humains en Amérique latine.