Y a des jours comme ça. Et, Ô bonheur, y a des chanteurs comme ça, pour faire passer ces jours-là. Le triangle des Bermudes m’est tombé dans les mains un jour de profonde tristesse. Patrice Michaud lançait, ce jour-là, cet album, son premier. Quand je l’ai rejoint, tout juste avant, le beau grand gaillard de Cap-Chat s’est levé, souriant comme toujours, et on s’est fait une colle. La boule a quelque peu fondu.
Il y a quelque chose de réconfortant dans ce bel album : d’une part, parce que les chansons qu’il contient sont très bien écrites, dans une langue belle et imagée, où l’auditeur se reconnaît dans des histoires du quotidien – « Ce soir, on va chez Mamie […] et moi, couché au creux des manteaux des matantes », je suis sûr que, comme moi, ça vous rappelle les temps des Fêtes de votre petite jeunesse. D’autre part, parce que les mélodies, les arrangements et la réalisation sont vraiment à point et concoctent ce petit quelque chose qui vous fait vouloir écouter les chansons à répétition.
Déjà, Patrice Michaud avec Cahier Canada, On fait comme si, Le triangle des Bermudes et C’est chien pour les singes prend sa place, bien méritée, à la radio – celles de la SRC au premier plan, rien d’étonnant là-dedans. Et on comprend qu’on l’entendra longtemps, celui-là.
Le parcours de Patrice Michaud est éloquent : trois prix au Festival en chanson de Petite-Vallée, premier prix à Granby, choix des diffuseurs lors des rencontres du ROSEQ, etc. Le triangle des Bermudes, très apprécié par la critique et le public, vient couronner cette première partie de carrière. Conséquence : petit à petit, l’agenda de Patrice se remplit de spectacles, au Québec, au Canada et en Europe, pour la prochaine année. Bravo !
Dans les années 70, quelques années avant même la naissance de Patrice Michaud, Jocelyn Bérubé, un déraciné d’un village fermé par le BAEQ, Saint-Nil, pas très loin de Cap-Chat, écrivait Nil en ville, une extraordinaire histoire sur les suites de ce coup de force gouvernemental pour les déportés. Dans un tout autre registre, Patrice raconte, dans Cap-Chat/Montréal, comment, quarante ans plus tard, les jeunes des villages gaspésiens s’exilent toujours, sans y être forcés, mais sans trop avoir le choix non plus.
Le ciel est pas sûr, mais les chemins sur la mer disent qu’il va mouiller
Pis les enfants sur la corde disent qu’y vont brailler
La mer fait pas toute la run. A finit par prendre son bord pour te dire que là, t’es plus vraiment chez vous…