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Les Nordiques à Québec : le plan de match de Quebecor

Par Frédéric Deschenaux le 2011/05
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Les Nordiques à Québec : le plan de match de Quebecor

Par Frédéric Deschenaux le 2011/05

Le récent règlement du lock-out au Journal de Montréal a fait un bel éclat. Lors d’une commission parlementaire spéciale portant sur les dispositions du Code du travail visant à empêcher le recours à des briseurs de grève, un intervenant du Parti libéral (pourtant pas naturellement sympathique à la cause syndicale) a mentionné que Pierre-Karl Péladeau avait créé un « lock-out parfait », sorte de match sans point ni coup sûr des relations de travail, afin de passer sous les radars des dispositions légales.

Suivant l’annonce de la participation de Quebecor dans l’aventure du nouvel amphithéâtre à Québec, on peut se demander si la recette élaborée, et combien savamment mise en application par la partie patronale au cours des lock-out dans les journaux de l’empire à Québec et à Montréal, ne pourrait pas être servie à d’autres sauces : l’achat des Nordiques, par exemple. Advenant que Quebecor devienne le principal actionnaire et acteur dans le retour du Fleurdelisé dans la LNH, le paysage sportif et médiatique du Québec pourrait s’en trouver radicalement changé. Pour le mieux ? C’est à voir…

Dans le cas d’un transfert d’une équipe existante vers Québec, P.-K. P. constaterait avec effroi que ses nouveaux employés sont syndiqués et même, Ô vision d’horreur, qu’il doit composer avec une convention collective parmi les plus contraignantes qui soit. On imagine aussitôt le plan de match qu’il s’empresserait d’illustrer sur son petit tableau blanc devant un conseil d’administration en pâmoison : les joueurs seraient d’abord mis en arrêt de travail, puis la direction de l’équipe proposerait de ne réengager qu’une fraction de ceux-ci, en interdisant bien entendu aux autres d’aller vendre leurs services à une équipe concurrente de la LNH avant deux ans. L’entraineur, ses adjoints, le soigneur, le responsable des communications, les préposés à l’équipement, la mascotte « Badaboum-le-Voyou » et les hôtesses chausseraient les patins et enfileraient les épaulettes afin de prêter main-forte sur la glace aux joueurs de la télésérie Québec-Montréal, stupéfiés d’avoir obtenu pareille promotion en échange de leur cachet de l’Union des artistes.

Les amateurs de hockey de la Vieille capitale, quand même pas dupes (en dépit du fait que plusieurs croient encore fermement que le but d’Alain Côté était bon), se rebelleraient sûrement devant cette vente de ligue de garage, inonderaient de leurs propos orduriers les radios-poubelles et menaceraient de délaisser en masse le nouveau Colisée, arguant la baisse de la qualité du produit offert. Ne se laissant jamais démonter, Quebecor userait d’un stratagème largement éprouvé aux Jeux olympiques et distribuerait gratuitement des billets pour les matchs locaux des Nordiques. Dans une admirable démonstration de ce que la synergie et la convergence peuvent faire quand ils cessent de n’être que des mots bourdonnants (Buzzword), des concours pourraient meubler les pages de leurs quotidiens et agrémenter les matins à Salut, bonjour! afin de remplir les estrades; les joueurs et les joueuses seraient invités à « twitter » leurs impressions sur le match en direct du banc des joueurs; la trame sonore des matchs serait disponible chez Archambault musique et les recettes de hot-dogs diffusées à Tout simplement Clodine, avant d’être réimprimées dans le magazine éponyme. Ainsi, les gradins seraient quand même pleins, voire plus remplis qu’avant! M. Péladeau pourrait alors affirmer que les gens appuient son équipe en dépit des changements de joueurs!

L’organigramme de la direction des nouveaux Nordiques compterait sans doute une vice-présidence aux relations avec les concurrents, vocable gentil pour justifier l’emploi d’une personne cherchant des moyens originaux de pourfendre les Canadiens de Montréal! Pouvant difficilement affirmer que les Glorieux sont favorisés par les largesses des fonds publics (qui finance le nouveau colisée déjà?), comme Quebecor ne se lasse de le faire avec Radio-Canada, il faudrait trouver autre chose pour discréditer le Tricolore. Par exemple, un « journaliste » pourrait aller faire les poubelles de l’État-major du Canadien et dévoiler avec pertinence qui de Pierre Gauthier ou de Jacques Martin renie son passé en jetant ses sous-vêtements à l’effigie des Nordiques ou encore qu’on trouve des bouteilles de Tremblay ou de Boréale dans le bac de récupération de Geoff Molson!

Ensuite, l’empire pourrait conscrire tous les chroniqueurs vedettes afin qu’ils chantent à l’unisson le scandale que provoquent de telles révélations. Une chronique de Martineau, un commentaire de Claude Poirier, une tribune téléphonique chez François Paradis le midi, le journaliste en entrevue « exclusive » avec Denis Levesque, pour finir avec une « entrevue de fond » au Match en fin de soirée!

De leur côté, les joueurs déchus fonderaient une nouvelle ligue, la Red Bull Crashed Hockey Ligue, dont les matchs seraient gratuits et diffusés sur les canaux de télévision communautaire, sauf sur Vox, qui appartient à Quebecor!

Mais tout ceci, heureusement, n’est que fabulations : les joueurs de hockey profitent réellement de la protection d’une convention collective. Et aux dernières nouvelles, on ne peut pas remplacer un joueur par un autre qui effectue le travail par courriel. Comme les prolétaires visés par les premières conventions collectives de l’histoire, ils doivent « puncher » les soirs de match, et ce, même si parfois, ils ne sortent pas fort…

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