Champ libre

Retour sur la saison estivale

Par Anjuna Langevin le 2010/10
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Champ libre

Retour sur la saison estivale

Par Anjuna Langevin le 2010/10

Nature trouée II

Le collectif Voir à l’Est présentait, du 9 au 21 août, au parc des Chutes de Rivière-du-Loup, Nature Trouée II, une série d’interventions éphémères. Les installations, intégrées dans des sites choisis par les quatorze artistes qui participaient à l’événement (Mario Beaudet, Youri Blanchet, Nadine Boulianne, Rino Côté, François Gamache, Jocelyne Gaudreau, Baptiste Grison, Caroline Jacques, Michel Lagacé, Raymonde Lamothe, Pilar Macias, Jean-Guy Plante, Dory’s Tremblay et Suzanne Valotaire), formaient en quelque sorte des « trous » dans la nature, des espaces où le regard se pose pour observer, pour se questionner. Les objets intégrés aux sites, tantôt surprenant le regard par leur incongruité, tantôt naturels mais alignés dans un rythme nouveau, comme cet arbre poétique de Jocelyne Gaudreau sur lequel les pommes semblaient grimper le long du tronc, lui-même relié au sol par ses branches. Michel Lagacé avait choisi de souligner la présence de ce que l’on entend et reconnaît sans le voir par des bandes blanches portant des noms d’oiseaux, à hauteur de nid. Cette forêt de mots évoquait la nature décrite et par-là, l’idée de nature. Caroline Jacques, de son côté, avait pris la nature trouée au pied de la lettre avec une installation percée d’ouvertures, où l’image recréée et le feuillage du site se côtoyaient et résonnaient comme un appel écologique. Suzanne Valotaire, sur une petite île au milieu de la rivière, formait un tableau vivant et méditatif pendant toute la durée du vernissage, sous un voile bleu. Voir sans être vue, observer la nature à distance. Le corps était aussi présent dans les maisonnettes suspendues de Pilar Marcia, où des personnages miniatures de tous âges, en transparence, tournaient sous les branches, comme des oiseaux en boîte. Quatorze façons de voir les éléments d’un environnement, un sentier rempli d’étonnantes surprises issues de cette rencontre entre l’art et la nature.

1/3 – 3/1

La Galerie d’art de Matane présentait, du 9 juillet au 5 septembre, 1/3 – 3/1 regroupant trois artistes de la région. Une forêt d’arbres peints au batik sur des pièces de soie aux couleurs changeantes de l’artiste Yolande Fortin ouvrait l’exposition. Au détour d’une pièce, on devinait le regard d’un animal. Puis, on pénétrait dans ce qui apparaissait au premier abord comme une seconde forêt, formée de rubans satinés en cascade. Au cœur de cette forêt, la présence d’entrelacs de rubans bleus laissait deviner l’eau, que l’on pouvait finalement visualiser sur une photo satellite affichée au mur : nous venions de traverser Indian Lake, c’est-à-dire la projection tridimensionnelle et sensorielle d’un quadrillage géodésique, dans une installation de Maryse Goudreau. La dernière installation, celle de Louis-Pier Dupuis-Kingsbury, nous ramenait sur la ligne d’horizon avec une déconstruction du paysage sur des toiles, médium traditionnel de l’art paysager, ici décortiqué par des chevauchements de lignes et le jeu de la perspective, évoqué par des toiles luisantes posées au sol.

Feu roulant : les 20 ans de Vaste et Vague

Le centre d’artiste Vaste et Vague, formé en 1990 par un petit groupe d’artistes d’ici, fêtait ses 20 ans cet été avec le collectif des membres Feu roulant, commémorant le feu sacré qui a permis la création et la continuité de ce centre.

Installation de Nadia Art Saïd. Photo : Anjuna Langevin

On entrait dans la salle d’exposition par le cercle de Gil Pitre, où des baguettes multicolores formaient une ronde sur fond rouge, feu géométrique. Yves Gonthier présentait un poème en images, à lire comme un livre-tableau, où les coulis de peinture en spirale, comme des enluminures dans leurs carrés, semblaient bouger. Les livres étaient également présents dans l’installation immersive de Maryse Goudreau où le visiteur entrait dans un espace en apparence minuscule qui se transformait par un jeu de miroirs en une bibliothèque infinie, à l’image de la connaissance humaine qui n’en finit plus de s’étendre.

Jako Boulanger, habitué au travail de la terre, avait façonné des seins dans l’argile, posés sur le sable comme des oursins, rappel de la mer nourricière et de la terre gaspésienne. De son côté, Christopher Varady-Szabo visitait les espaces souterrains de cette terre avec une installation-termitière qui surprenait les visiteurs le long des fenêtres extérieures. Nadia Aït-Saïd avait aussi utilisé l’argile, formée en petites statuettes enfumées qui, sur fond de sable et de papier, appelaient le souffle du désert et les débuts de l’humanité. L’installation de Dory’s Tremblay évoquait les rites anciens et les rituels chrétiens avec un crâne animal et un réceptacle de vitrail, en hommage à un être cher.

Fernande Forest avait de son côté travaillé un feu de camp spectaculaire, où les étincelles, par la magie du travail numérique, devenaient lucioles et reconstruisaient une danse que l’on aurait pu prendre toute une nuit étoilée à imaginer sur la grève. Les dessins de Yolande Fortin reprenaient cet imaginaire du feu en transparence sur papier mylar, avec la présence esquissée d’un personnage au centre des braises et deux feux plus petits, comme des balises gardiennes de l’être.

Finalement, de la performance très sensorielle d’Annie Brunette il ne restait que deux photos à travers lesquelles le visiteur pouvait imaginer la présence de ce corps et la chaleur du miel sur la peau, tandis que le feu de Vaste et Vague continue de brûler sur la Baie des Chaleurs.

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