Champ libre

L’art et la vie, l’art et la ville

Par Anjuna Langevin le 2010/10
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L’art et la vie, l’art et la ville

Par Anjuna Langevin le 2010/10

Il y a des idées reçues qu’on entend depuis tellement longtemps qu’elles finissent par entrer dans la normalité des choses : un artiste, c’est pauvre. Un artiste, ça peut exposer gratuitement et travailler dans un restaurant pour gagner sa vie. Une artiste, quand on lui donne le privilège de se faire connaître en donnant bénévolement des représentations ou des œuvres, devrait nous en remercier.

L’étude L’apport économique de la culture dans la région du Bas-Saint-Laurent en 2006, dévoilée en mars par le Conseil de la culture, nous apprend que le secteur culturel emploie 1 250 personnes à temps plein et génère une valeur ajoutée de 70,2 millions de dollars annuellement , soit le tiers de la valeur ajoutée du secteur agricole. Ces données montrent l’importance majeure des artistes et des travailleurs culturels pour la vitalité économique de notre région. Parmi les artistes émergents interrogés dans le cadre de l’Étude sur la relève artistique professionnelle, réalisée en 2009, 41 % avaient des revenus inférieurs à 15 000 dollars par année et 58 % d’entre eux tiraient moins de 25 % de leurs revenus de leur pratique artistique. Alors que la force de ce secteur repose sur le dynamisme des créateurs d’ici, on peut penser que cette situation est alarmante.

Et pourtant, le Québec est riche en histoires d’entreprises culturelles qui, parties de rien, ont connu un succès phénoménal (le Cirque du Soleil, la Cité du multimédia). Montréal base une grande partie de son offre touristique sur ses nombreux festivals culturels. Québec mise à son tour de plus en plus sur les arts, en poursuivant au-delà des fêtes du 450e les représentations qui ont attiré les foules. À Rimouski, le centre de production et de diffusion Paraloeil (et la Coopérative de solidarité Paradis) est un exemple du dynamisme que peut amener un noyau d’artistes dans une municipalité. Né de la volonté de quelques cinéastes de faire du cinéma d’auteur en région, l’organisme compte maintenant 66 membres en production et une dizaine d’employés. Paraloeil a permis à des jeunes de revenir s’établir en région et offre un réseau suffisamment solide pour que quelques maisons de production aient choisi de s’installer à Rimouski.

On sait que la créativité et l’inventivité sont des atouts majeurs dans un contexte de mondialisation des marchés. L’art est un moyen privilégié de développer ces qualités. La pratique d’une activité artistique et le fait d’assister à des événements impliquant une création ont un impact sur l’inventivité d’un individu et sa capacité à solutionner des problèmes dans d’autres secteurs de sa vie.

La présence d’artistes dans un milieu contribue aussi à la qualité de vie. On peut penser à des quartiers qui ont été complètement transformés par la présence de communautés d’artistes, comme le plateau Mont-Royal à Montréal, le quartier Saint-Roch à Québec ou le Quartier du bassin à Saguenay. Côtoyer des artistes, voir les créations des autres, suivre des cours avec des professionnels sont des moyens pour les citoyens de développer leur imaginaire et de repousser leurs limites.

De quoi a-t-on besoin pour attirer des artistes professionnels en région, faire revenir les jeunes qui en sont partis et appuyer les artistes d’ici? Offrir une formation universitaire serait un premier pas important pour une ville étudiante comme Rimouski. Le projet de baccalauréat en arts à l’UQAR prendra-t-il autant de temps à se matérialiser que celui de la salle de spectacle ? Au-delà du nombre critique d’étudiants par cours, une université qui offre des formations en arts permet aussi à l’ensemble de ses étudiants d’avoir accès à une expertise dans ce secteur et de développer des compétences diversifiées.

Avoir des lieux de diffusion accessibles est également important. Partout au Québec, le réseau des maisons de la culture est un tremplin idéal pour les artistes en début de carrière, dont elles couvrent les frais de diffusion, en plus d’offrir des spectacles et des expositions gratuites de qualité à toute la population. Montréal compte une maison de la culture dans chaque quartier. Rivière-du-Loup en a une. À quand une maison de la culture à Rimouski?

Les artistes, qui financent largement leur propre production en travaillant à temps partiel ailleurs, ont besoin d’argent, d’équipements et d’espaces de création et d’échange pour développer des projets majeurs. Quelques exemples : la Ville de Saguenay a donné deux anciennes écoles à des centres d’artistes et héberge gratuitement une boutique de métiers d’arts gérée par un OBNL ainsi qu’un atelier de travail du verre dans des maisons patrimoniales rénovées. Une troupe de théâtre formée par un jeune comédien originaire de Rimouski a remporté cette année un prix d’excellence de la Ville de Québec, assorti d’une bourse de 9 000 dollars aussitôt réinvestie dans sa prochaine production.

J’ai un ami qui habite Berlin depuis quatre ans parce que, me disait-il, la ville de Berlin offre des logements et des ateliers gratuits aux artistes professionnels et qu’il y a là-bas un merveilleux réseau d’artistes.

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