Dans une diatribe sur les médias de masse justement intitulée « Médiatribes », les Loco Locass enjoignent à la population de lire « Bourdieu, bon Dieu! ». Ils font sans doute référence au livre du sociologue français Pierre Bourdieu, intitulé Sur la télévision, qui a été publié en 1996. Ce court ouvrage aborde différentes facettes de la télévision. L’auteur y propose une fort instructive incursion dans ce monde et permet de mettre en perspective l’influence qu’a cette petite boîte à images dans la construction de l’opinion publique et dans différentes sphères du monde culturel. En effet, un des éléments centraux de l’ouvrage concerne toutes les conséquences de ce qu’on appelle l’« audimat », en France (les cotes d’écoute, au Québec). D’une part, cette course aux cotes d’écoute conditionne l’offre culturelle au petit écran, en ne privilégiant que les formes artistiques les plus en mesure d’agglutiner les téléspectateurs. D’autre part, l’information est aussi affectée par cette course, les journalistes étant soumis à des pressions indues pour être les « premiers sur la nouvelle », au risque de diffuser de la fausse information. La télévision devient alors un véhicule promotionnel incontournable, autant pour les produits que pour les personnalités publiques, y compris politiques. Dans ce contexte sont alors évacuées l’analyse et la critique, au profit d’une justification (parfois bien subtile) de l’idéologie dominante et des idées reçues. En somme, ce livre est fort pertinent pour procurer des « outils ou des armes à tous ceux qui, dans les métiers de l’image même, combattent pour que ce qui aurait pu devenir un extraordinaire instrument de démocratie directe ne se convertisse pas en instrument d’oppression symbolique ».