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De tout et de rien

Par Michel Vézina le 2007/11
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De tout et de rien

Par Michel Vézina le 2007/11

Automne lumineux, l’impression de respirer trop vite, de ne plus voir le temps passer. Parce que qui dit automne dit rentrée et qui dit rentrée dit virages sur les ti-chapeaux de caps de roue. Entre les textes à lire pour en parler, ceux à publier ou encore ceux à écrire, je me retrouve le nez fourré entre deux lignes depuis le début de cet automne littéraire. La tête pleine de fiction, même la nuit, les phrases et les images qu’elles évoquent défilent et s’entremêlent un peu.

Je pourrais vous parler de Nelly Arcan, de qui j’ai apprécié, plus que ses deux précédents encore, son récent À ciel ouvert. Je pourrais aussi vous parler de Mal élevé qui, même s’il m’a un peu déçu (j’ai tant d’attentes vis-à-vis de Dompierre que mon niveau d’exigence s’élève…), a quand même su me tenir jusqu’au bout. Je voudrais aussi vous parler de Marie Darieussecq et de son Tom est mort, mais nous y reviendrons, parce que c’est toute une vision de la littérature qu’il faudrait aborder. Je pourrais aussi vous parler de Gilles Archambault, du nouveau Poulpe, d’Alain Mabanckou, de Callisto de Torsten Krol, du dernier Paul Fournel ou encore de Christian Mistral qui renaît de ses cendres. Je pourrais vous parler de Jean-Paul Daoust qui s’est blessé gravement et qui se remet lentement ou encore de Patrice Desbiens, deux poètes que j’adore de plus en plus, s’il est possible de progresser dans l’adoration.

Mais je vous parlerai de Jacques Roumain, romancier, ethnologue, agronome et chroniqueur haïtien que j’ai découvert cet automne. Le 14 septembre dernier, nous avons célébré, au chic cabaret Le Lion d’Or, le centième anniversaire de la naissance de cet écrivain majeur, et pourtant presque inconnu ici.

Né en 1907 en Haïti, Roumain est mort d’une cirrhose au Mexique, trop jeune, à 37 ans, avant même d’avoir pu profiter de la parution de Gouverneurs de la rosée, son roman phare, peut-être un des textes les plus importants de la littérature haïtienne, que la maison d’édition Mémoire d’encrier vient de rééditer à l’occasion de l’anniversaire de naissance de l’écrivain.

Nous étions une belle équipe à lui rendre hommage : il y avait Rodney Saint-Éloi, le maître d’œuvre et le metteur en scène de cette soirée, et Dany Laferrière, notre hôte halluciné. Il y avait Stanley Péan, mon marassa, qui sera présent au Salon du livre de Rimouski, Anthony Rosankovic, Howald Durand jr, Franz Benjamin, Chantal Lavigne, Hinda Essadiqi, Pascale Montpetit, Emmelie Prophète, Marie-Laure Rozas, Claire-Anse Saint-Éloi et moi-même. Installés aux tables bondées de pages et de Barbancourt (le rhum, encore, j’en fais une fixation…) qui occupaient la scène, nous avons lu des chroniques de Roumain, des extraits de ses textes les plus percutants, et presque l’entièreté de Gouverneurs de la rosée. C’était magique, voire un brin vaudou…

En plus d’avoir été un des écrivains les plus importants de son siècle, Roumain a aussi été le fondateur du parti communiste haïtien. Pas surprenant qu’il ait passé plus de trois ans en prison, pour délit de parole… Jacques Roumain a consacré une bonne douzaine d’années de sa vie à l’écriture et au combat, jusqu’à sa mort, en 1944. S’il écrivait pour son peuple, il écrivait aussi pour nous tous, en 2007, et bien au-delà. Dans son cas, tant l’écriture que l’action politique et sociale relevaient d’une mission primordiale, d’un défi irréductible qui transparaît clairement dans ses cogitations, ses projets et ses travaux.

Il faut lire ses chroniques et en prendre du galon! Il les livrait jour après jour, sans faillir, parlant à la fois de son ancrage dans la vie, dans le quotidien, et de la profondeur de son rêve, celui de voir Haïti s’affranchir complètement de son passé d’esclaves, de son passé (de son présent et de son avenir aussi) de peuple dominé.

Une de mes découvertes les plus marquantes de l’automne. À lire, en plus de Gouverneurs de la rosée, ses œuvres complètes, parues chez Édition critique, collection « Archivos », ne serait-ce que pour s’imprégner de quelques-unes de ses chroniques les plus efficaces…

PIRATES AGAIN

Dans le dernier Mouton, je me suis amusé à parler de pirates. J’ai reçu une info de première ligne qui me garantit que la Gaspésie a aussi un passé de piraterie. Apparemment, il y aurait des Flint enterrés dans le cimetière de Percé qui… enfin, faudra pousser un peu plus la recherche avant d’en parler plus. Mais depuis, j’y repense tellement que ça se met à polluer ma production littéraire. Alors que je devrais me concentrer sur les dernières révisions de La machine à Orgueil, mon prochain roman, alors que j’aurais intérêt à ne pas trop laisser traîner la suite d’Élise que j’aimerais bien publier l’automne prochain, je laisse mon esprit vagabonder entre les deux rives du fleuve et sur tout le pourtour de la baie des Chaleurs, des îles et de l’ancienne Acadie. Comme quoi les ébauches de roman germent bien comme elles l’entendent. Je me laisse envahir par mes familles Guyot et Simard, pas très catholiques, pirates, équilibristes, baroudeurs et arnaqueurs, sanglants égorgeurs qui, pour une simple bouteille (de rhum, encore) ou pour un baiser mal placé, pouvaient mettre à feu et à sang le ciel, la mer et la terre…

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