
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Avec des projets écocides situés au Bas-Saint-Laurent, comme le Projet résidentiel à Pointe-au-Père qui est clairement un déni de démocratie et une hérésie écologique, ou encore le projet de construction d’un nouveau pavillon sur un espace vert plutôt qu’asphalté à l’UQAR, une certaine forme de rage légitime peut se manifester chez certain.es activistes. Surtout lorsque le CISSS prévoit une augmentation de l’intensité et de la fréquence de plusieurs phénomènes climatiques comme la chaleur, les feux de végétation, l’érosion côtière, les inondations, les précipitations extrêmes, les allergènes et les vecteurs de maladies, engendrés par l’inconsidération de l’impact de ce type de projets.
L’ensemble de ces éléments poussent à se diriger vers un activisme écologique radical et illégal afin de dénoncer la lenteur des institutions à interdire les projets écocides, mais aussi pour favoriser la voix de la transition écologique.
Avec la semaine de la rage climatique, nom fortement évocateur d’une volonté toujours plus forte de produire et voir un changement réel de nos conditions de vie pour amorcer la transition écologique, il va être question de comprendre l’activisme radical.
L’activisme écologique se comprend comme une pratique sociale qui a pour but de forcer les gouvernements à considérer des questions jugées périphériques ou anecdotiques (Ogien, 2021).
Lorsqu’on pense à l’activisme radical, l’idée d’actes violents parvient immédiatement à l’esprit. Pourtant, ce n’est pas une méthode qui fait l’unanimité dans ces cercles.
L’usage de la violence
Lorsque la violence est employée, elle est justifiée par un raisonnement qui enchaîne une suite de propositions : (1) l’impossibilité de concilier les besoins de la population et les projets du pouvoir en place, (2) la domination qu’exerce le pouvoir en imposant son projet, (3) le projet vise des intérêts particuliers et non ceux de la population (Ogien, 2021).
Si la violence est alors justifiée, elle doit se manifester dans un cadre précis, comme la mesure de son expression, ou encore elle doit viser des biens et jamais des personnes. Les troubles qu’elle crée doivent être acceptables à l’ordre public. Et surtout son expression doit passer par des modes d’expression festifs et symboliques pour dénoncer par exemple l’urgence climatique ou l’évasion fiscale.
Par exemple, les activistes climatiques extrémistes n’ont pas pour projet de rencontrer une adhésion forte auprès du grand public. Car leur objectif est d’atteindre l’arrêt d’activités ou de projets écocide, et non de se faire aimer (Frei, 2023, p. 10). Convaincre n’est plus la question.
L’usage de la violence ne se suffit jamais à lui seul. Il se supplante toujours à un autre « combat mené sur un autre front de façon pacifique par une organisation » (Ogien, 2021). Et cette organisation est l’interlocuteur considéré comme légitime auprès des gouvernements et du public.
L’usage de la non-violence
Comme autre stratégie que l’activisme radical peut employer est celle de la non-violence. Sa stratégie repose sur une volonté d’amplifier le soutien de la population « en mettant en évidence la violence d’un pouvoir qui ne tolère pas le calme d’une voix qui s’exprime de façon résolue pour le droit et contre l’injustice » (Ogien, 2021).
Une autre raison de choisir la non-violence comme moyen d’expression est celle de ne pas risquer de disqualifier sa cause en alimentant la propagande des pouvoirs en place grâce aux médias. Mais aussi, la non-violence permet d’éviter la répression policière, qui amènerait une décimation des rangs des opposants par la violence en toute légitimité.
L’usage de la non-violence devient une pratique de l’activisme contemporain plébiscitée par les nouvelles générations, grâce à l’organisation interne qu’elle demande pour être appliquée. Contrairement à un activisme violent, l’activisme non-violent s’organise de manière décentralisée et porte la valeur de la bienveillance. La bienveillance traduit un refus de « faire imposer des manières de faire ou de penser par quiconque et en conservant l’entière maîtrise des choix de méthode et des cibles à atteindre » (Ogien, 2021).
Ainsi ces deux formes d’activismes radicales se complètent plus qu’elles ne s’opposent.
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Frei, Max. « Activisme climatique illégal : vaincre sans convaincre », Le Regard Libre, vol. 98, no. 7, 2023, pp. 10-11.
Ogien, Albert. « 2. La légitimité de la rue », , Politique de l’activisme. Essai sur les mouvements citoyens, sous la direction de Ogien Albert. Presses Universitaires de France, 2021, pp. 55-82.