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Du tri à l’évitement

Par Mathieu Perchat le 2023/09
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Du tri à l’évitement

Par Mathieu Perchat le 2023/09

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Dans les communications des villes situées au Bas-Saint-Laurent, on peut apercevoir des communiqués destinés à expliquer comment réaliser un bon tri des déchets, en montrant quel déchet est destiné à quelle poubelle colorée.

À première vue, il semblerait que ces communiqués sont positifs, et se placent sur une ligne écologique, favorable à entrer dans une transition écologique. Pourtant il n’en est rien.

Le tri, le recyclage, en plus de couter cher à la collectivité, ne sont pas des actes écologiques, mais sont plutôt le produit de la même société de consommation écocide. Ainsi, ces villes utilisent des ressources financières comme humaines à produire des actions qui sont peu efficaces.

Dans cet article, il va alors être question de regarder pourquoi le tri n’est pas vraiment écologique et quels pourraient être les gestes véritablement bénéfiques.

Le recyclage, la solution !?

Concernant les ordures recyclables, seuls le tri et le recyclage apparaissent comme la solution pour les municipalités en charge de les traiter. Or le tri n’est pas une solution, bien au contraire. Ce mode de traitement des déchets ne remet pas en question la consommation de masse faisant partie des causes du changement climatique.

Bon nombre de discours ces dernières décennies ont produit une déresponsabilisation de la production de déchets en la faisant passer pour positive. Pour promouvoir le recyclage, plusieurs discours ont fait passer les déchets comme étant de la richesse (2020, p. 51). Ainsi, plus il y a de déchets, plus il sera possible d’en tirer des richesses. On assiste à une véritable ode au gâchis en fournissant aux personnes les moyens de justifier leur gaspillage grâce au recyclage. « Le recyclage devenait un alibi au gaspillage, enfin pouvait dans certains cas devenir un alibi au gaspillage, c’est-à-dire « je gaspille, c’est vrai, mais ce n’est pas grave parce que je trie mes déchets » » (2020, p. 54).

L’idée que les actions antidéchets vont détruire des emplois ont également la vie dure. Par exemple, les autocollants « Stop pub » suppriment des postes, ou qu’une consommation plus faible réduit les emplois disponibles. Ce qui est en partie vrai, mais souhaitons-nous vraiment investir de l’énergie humaine dans des tâches écocides, qui aujourd’hui perdent tout leur sens ? Alors que ces mêmes personnes pourraient être investies dans des emplois favorables à l’écologie. On assiste ici à une simple résistance au changement, ce qui est ordinaire, surtout lorsque l’absence d’image d’un futur sans consommation de masse l’amplifie.

Il faut alors dépasser la recommandation à bien triller pour se tourner vers des recommandations à moins jeter. Car ces traitements des déchets se réalisent par de lourdes infrastructures qui ont un cout significatif pour les villes, et par extensions pour les citoyens et citoyennes. « Tous les déchets que l’on parviendrait à éviter à la collecte seraient autant de déchets en moins à incinérer ou à mettre en décharge » (2020, p. 52).

Les collectivités doivent alors passer par une politique locale de prévention destinée aux citoyen.nes, mais aussi aux entreprises productrices d’emballages et autres. Situer dans l’espace public des messages poussant à limiter sa consommation est une action bénéfique à tous les niveaux.

Réduire ses déchets, c’est remettre en question le modèle économique

La réduction des déchets émane d’une remise en cause de l’économie, car elle entraine une modification des pratiques de production et de consommation.

Pour que ces modifications surviennent, il faut agir sur le plan qui a le plus d’impact : celui de la demande, celui du consommateurice. Car dans une économie de marché, elle est la seule qui arrive à marquer profondément des modifications (2020, p. 55).

Les mesures développées par les politiques, comme l’obsolescence programmée devenue un délit, n’ont rien amené dans les pratiques des entreprises. Est-ce que nos équipements ont-ils été rendus plus robustes ces dernières années ? Pas vraiment …

Un modèle de déconsommation qui part du consommateurice est alors le plus efficace. Ce modèle peut porter le nom de « décroissance, sobriété, frugalité… peu importe, les réalités physiques nous imposeront ce changement. » (2020, p. 57)

Il y a donc un réel besoin à développer des actions de sensibilisation à la consommation soutenable, au lieu de produire des communiqués sur le recyclage.

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« Itinéraire d’un pionnier : du tri à l’évitement des déchets », Entretien avec Bruno Genty, Propos recueillis par Isabelle Hajek, Écologie & politique, vol. 60, no. 1, 2020, pp. 47-59.

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