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L’itinérance, là aussi il faut de l’aide financière

Par Mathieu Perchat le 2023/08
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L’itinérance, là aussi il faut de l’aide financière

Par Mathieu Perchat le 2023/08

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Un manque de financement touche les services destinés aux personnes en situation d’itinérance dans les régions Bas-Saint-Laurent et Gaspésie. C’est pourquoi ces services demandent une assistance auprès du gouvernement pour répondre à la crise du logement et l’augmentation du cout de la vie, deux grands facteurs qui entrainent des situations d’itinérances.

Il devient alors alarmant de constater des personnes qui se retrouvent sans logement, surtout lorsque l’hiver arrive bientôt. 

En plus d’un manque de financement, une pénurie de main-d’œuvre fragilise les services. Par exemple, le Répit situé à Rimouski a dû réduire la soupe populaire tous les trois jours au lieu de cinq.

Il est alors question de voir quelles sont les politiques adoptées pour réduire les situations d’itinérances et endiguer les évènements qui les provoquent.

            L’itinérance

Pour saisir les politiques adoptées, il faut en premier lieu expliciter comment l’itinérance est interprétée.

Cette situation est perçue comme une marginalisation, car elle forme une rupture avec la norme occidentale d’avoir un lieu à soi et un travail. Ce qui engendre une représentation négative de l’errance (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 22). Sur cette considération, une double nature de l’itinérance émerge : être non conforme par rapport aux comportements attendus et l’attribution d’un statut qui qualifie cet écart aux normes.

Une affaire de logement ?

Avec la crise du logement, l’augmentation de personnes en situation d’itinérance a renforcé l’idée que le logement était au cœur de la solution.

C’est sur ce constat que le Réseau canadien de recherche sur l’itinérance (2012, p. 1) propose de définir l’itinérance en ces termes : « la situation d’un individu ou d’une famille qui n’a pas de logement stable, permanent, adéquat, ou qui n’a pas la possibilité ou la capacité immédiate de s’en procurer un ».

En plaçant le logement comme central, l’affirmation que posséder un espace privé est un marqueur de sérieux, de stabilité et d’intégration est sous-entendu. Ce qui nous renvoie directement à la notion de marginalité (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 23).

Pourtant, en définissant l’itinérance par l’absence de logement, les politiques et institutions qui l’utilisent n’oublient pas qu’elle se caractérise par une pluralité de situations. En effet, l’itinérance concentre des « facteurs interdépendants et inter-reliés, qui témoigne d’une dynamique tant individuelle que structurelle » (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 24).

Se centrer sur le logement semble permettre d’agir sur un levier majeur pour résoudre l’itinérance.

Pourtant, définir l’itinérance par le logement, c’est oublier de mettre de côté les enjeux liés à la vie dans la rue, dans l’espace public avec ses logiques, ses dynamiques et ses conséquences.

Vivre dans l’espace public, une réalité oubliée

Contrairement à ce que l’on peut penser, les espaces publics ne sont pas si ouverts à toustes. En effet, de nombreuses chercheuses et chercheurs ont mis en avant que leur accessibilité fût limitée pour certaines populations marginalisées (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 24).

Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir à la séparation de l’espace privé et public. Le foyer domestique a pour rôle d’offrir un repli pour se protéger de l’inconnu et de l’étranger. Or, ce repli participerait à réduire la tolérance à la différence, qui se voit associé à une potentielle menace (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 24).

Cette crainte a contaminé les espaces publics, dont l’inconnu, le différend s’est vu éliminé, pour laisser la neutralité prospérer (et donc une neutralité qui n’en est pas une). Une normalisation des comportements dans les espaces publics s’instaure : « certains comportements sont alors acceptés et d’autres prohibés, certaines personnes bienvenues et d’autres intruses » (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 25).

Cette normalisation exclut alors les personnes itinérantes qui présentent des comportements marginalisés en raison de leur occupation de l’espace public particulière. Par conséquent, leur présence se révèle incongrue.  

De cette marginalisation, des restructurations urbaines sont réalisées pour contraindre certains comportements, ce qui pose de nouvelles contraintes sur les conditions de vie des personnes itinérantes et marginalisées.

            L’image de la ville

Mais cette marginalisation n’a pas pour origine uniquement la tolérance à la différence, elle provient aussi de l’image que les villes souhaitent avoir pour apparaitre comme une ville développée et moderne. Cela pour se maintenir dans une compétitivité face aux autres villes. « L’image devient un élément important des stratégies de revitalisation urbaine » (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 25).

Pour maintenir cette image, les personnes marginalisées se voient nier leur droit à la ville en judiciarisant leur présence dans les espaces publics. Qui se manifeste par des interdictions, des amendes ou encore des arrestations.

            Deux grands modèles

Il se dégage alors deux grands modèles de politiques développés au Canada : par le domicile et par la gestion des comportements déviants.

La politique centrée sur la gestion des comportements déviants se base sur le constat que l’itinérance émane d’un problème de logement, et que des incivilités produisent des tensions lors du partage de l’espace public. Deux objectifs en découlent : (1) il faut répondre aux besoins de base des personnes en situation d’itinérance, par exemple grâce à la préservation des maisons et chambres non lucratives, ou encore consolider les services de ressources. (2) harmoniser la cohabitation dans l’espace public par une déjudiciarisation des personnes itinérantes en accompagnant les policiers par des intervenant.es, cela dans le but de mettre ces personnes en contact avec les services d’aides. Tout en réalisant une médiation entre les citoyen.nes et les itinérants.

La seconde politique centrée sur le logement a pour objectif de mettre fin à l’itinérance en visant la prévention dans les populations à risque, et à prendre en charge les personnes en situation de marginalisation pour leur proposer un logement, puis une intégration dans la vie sociale (travail, culture, etc.). Mais sous cette politique, les espaces publics sont gérés par une pénalisation de tout comportement d’itinérance.

En conclusion

Chacune de ces approches porte son lot de faiblesse, mais la principale se trouve dans la motivation des villes : ces dernières visent surtout une attractivité, ce qui nécessite de cacher la pauvreté. « Asseoir la définition de l’itinérance autour de la domiciliation plutôt qu’autour de l’expérience de la rue des personnes en situation d’itinérance comme le font les villes canadiennes hors Québec, marque cette nécessité » (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 29).

Gérer également l’itinérance par la cohabitation est également une tentative d’invisibiliser la marginalité sociale (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 30). Ainsi ces modèles visent une normalisation par le logement de sa population.

Pour les chercheur.es, la solution serait de : « En soutenant de nouvelles orientations marquées par la prévention de l’itinérance, par la participation sociale des personnes itinérantes à la définition des solutions qui les concernent, par le renforcement des droits des personnes, la voie démocratique pourrait devenir une réelle avenue des réponses sociales à l’itinérance, offrant ainsi une alternative aux cadres de gestion normalisants » (Antonin, Bellot et Morin, 2014, p. 31).

Sources

Margier Antonin, Céline Bellot, et Richard Morin. « L’itinérance en milieu urbain. Deux voies de normalisation », Le Sociographe, vol. 48, no. 4, 2014, pp. 21-32.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2001932/itinerance-rimouski-parc-gare-sans-abris

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