
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Avec une industrie culturelle et évènementielle développée au BSL qui revient en force avec le soleil, il faut s’interroger sur le rôle que les artistes peuvent jouer pour lutter contre le réchauffement climatique.
Depuis la pandémie le secteur culturel a subi une lente dégradation de la part des politiques culturelles publiques, ce qui a impacté ses missions et son système de valeur (Irle, 2023, p. 34). Ajouté à ces contraintes celle de l’écologie, on pourrait penser que le secteur culturel porte le risque de ne jamais se relever.
Or, la transition écologique est loin d’être oppressive ! Elle apporte au contraire une formidable opportunité pour le milieu culturel pour réparer ce que l’économie a détruit (Irle, 2023, p. 35).
Le monde culturel doit alors lui aussi changer de culture, passer de la culture capitaliste de la production croissante, à une culture qui met du sens dans ses actions (Fourreau, 2023, p. 53). Il nous faut revoir moins fort, moins grand et moins haut pour redonner du sens à l’acte artistique pour que son sens soit donné par le territoire dans lequel il s’inscrit.
La culture dans laquelle le secteur culture baignait promulguait l’abondance et la consommation de ressources sans véritablement les considérer comme finies. Bien entendu, cette production d’abondance avait comme but de diffuser les œuvres pour que le plus grand nombre, faire rayonné une région ou un espace. Or cette accumulation de biens culturels, ce transport de biens évènementiels n’interrogeaient pas le gaspillage de matière et d’énergie. Accumulation et production que les pouvoirs publics encouragent encore aujourd’hui pour accroitre le rayonnement culturel.
En effet, les pouvoirs publics sont obnubilés « par leur attractivité dans un contexte de compétition entre territoires, les collectivités publiques ont largement mis l’accent sur l’événementialisation de leur politique culturelle, au détriment de la façon dont les habitants et les artistes pouvaient faire culture commune » (Fourreau, 2023, p. 59). Balader nos décors, nos œuvres et nos publics aux quatre coins du territoire et du monde n’a pas de sens au vu des ressources que cela demande pour réaliser une telle agitation. Sachant que le déplacement du public en voiture est responsable de plus des trois quarts de l’impact carbone d’une salle de cinéma ou d’un festival (Irle, 2023, p. 33).
Seulement, les artistes réorientent leur démarche artistique vers un ralentissement, une sobriété, une durabilité de leur pratique, ce qui présage un changement de culture (Fourreau, 2023, p. 54). Iels n’ont pas attendu les changements induits par les pouvoirs publics pour commencer à réfléchir sur leur pratique artistique.
Ce qui a fait émerger de nouvelles manières de créer, d’insuffler une conscience politique dans leurs actes. Par exemple sortir de la logique de la création/diffusion, limiter les déplacements et le gaspillage, rencontrer les gens ou encore infuser un territoire ; « la démarche ne consiste pas à s’inscrire dans un marché avec une offre (artistique) destinée à répondre à une demande (un public), mais à mettre en relation des personnes » (Fourreau, 2023, p. 54).
Le but réside bien plus dans le partage de la culture dans un territoire donné, plutôt qu’entrer dans une logique offre/demande, faisant des œuvres un one shot. Bien entendu, le piège du localisme, qui consiste à penser les circuits courts comme des circuits fermés, est bien connu des artistes. Chacun d’elles ou eux prennent la mesure de la diversité des ressources que présente un territoire afin de voir quelle forme prendra leur art ou leur évènement (Irle, 2023, p. 36).
Cette nouvelle culture devra alors se centrer sur un cercle écologique vertueux, ne serait-ce qu’en minimisant les besoins en énergie liés aux méga-événements et aux déplacements des publics (Fourreau, 2023, p. 59).
« Changer de culture dans un contexte si anxiogène, c’est peut-être enfin se souvenir de tout le potentiel de rêves, de joies, d’exutoires, de liens qu’une culture transporte. La tentation de succomber aux passions tristes sera toujours présente au sein de nos sociétés. La tentation totalitaire aussi. L’art, le divertissement, les rassemblements culturels pourraient bien être un garde-fou » (Irle, 2023, p. 36).
Sources :
Éric Fourreau, « Les projets de territoire et les droits culturels, leviers pour une vraie bifurcation ! », Nectart 2023/1 (N° 16), pages 50 à 61.
David Irle, « Changer de culture », Nectart 2023/1 (N° 16), pages 26 à 37.