
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Pour créer une continuité au 8 mars et aux différents évènements qui ont eu lieu, pour que ces voix continuent à se faire entendre dans l’espace public, proposer un texte se situant après cette date apparaissait essentiel.
En plus de dénoncer une domination patriarcale injuste, dont toute une gamme de violences se déclinent, le féminisme a su montrer que ces mécanismes de domination dans notre culture régissent également notre rapport à la nature.
En effet, par sa binarité genrée attribuant à l’un des genres des qualités qui le font advenir comme mineur et dépendant (Froidevaux-Metterie, 2020, p. 9), la nature est saisie à travers le prisme féminin, donc comme un corps matériel procréateur, qui prend soin et est donc à conquérir.
La conséquence est que la prospérité des entreprises multinationales, donc du capitalisme, repose sur la domination homme/femme, Nord/Sud et nature/culture. De ce fait, le capitalisme se développe grâce à l’exploitation des terres naturelles et des peuples autochtones. Cette croissance infinie a un prix, celui de la crise écologique et de l’injustice, que seul.es payent les dominé.es.
Dans la perspective du système capitaliste, un « nous » est souvent employé pour signifier une interdépendance entre climats et les sociétés humaines. Or, les réflexions écoféministes accusent un usage abusif de ce pronom, les dommages subis par l’environnement ne sont pas les mêmes selon la localisation spatiale, mais également cette crise actuelle est le résultat du niveau de vie du Nord. Les contributions dans les prises de décisions ne sont pas également réparties en fonction des localités concernées.
C’est pour lutter contre cette injustice extrême que l’écoféminisme, articulant les visions du Nord, mais également du Sud, émerge à travers les voix de Maria Mies et Vandana Shiva (1998). L’écoféminisme a réussi à montrer le lien entre exploitation de la biosphère et exploitation genrée, grâce à un usage privilégié du concept de rapports de vulnérabilité, au lieu de se concentrer sur celui d’égalité ou de pouvoir majoritairement employé dans les autres éthiques.
La culture occidentale a commis une grande erreur en voulant cacher la vulnérabilité de l’humanité, car c’est cacher une nature de son existence : celle d’être matériellement et corporellement présent au cœur de la nature et celle d’être un animal partageant une même réalité (Plumwood, 2021).
Les études menées par l’écoféminisme ont révélé que les problèmes environnementaux ont toujours été une question fondamentale pour les peuples du Sud, problèmes qui s’aggravent avec le changement climatique en raison du mode de vie occidentale. Ce changement global commence à impacter le Nord, ce qui fait prendre conscience aux sociétés occidentales qu’elles ne peuvent continuer ainsi. Le care environnemental devient une option nécessaire pour tenter d’amoindrir ses effets.
Le care permet de prêter une attention à ce qui est cher (non dans un sens économique) par des actes entrant en cohérence avec les contraintes actuelles, et la lutte contre les injustices. Alors que le développement durable (l’économie verte) repose toujours sur les mêmes exploitations et inégalités perpétrées par cette culture binaire, sans modifier le cadre de pensée qui structure les inégalités.
Un autre avantage de l’approche éthique du care, réside dans sa capacité à pouvoir être appliqué à travers une grande diversité de comportements quotidiens, mais également de révéler et condamner les comportements négligents envers l’environnement. Il offre la possibilité d’offrir un soin à la fois à l’espace proche, mais aussi à l’espace lointain sans proposer des approches universelles, mais au contraire adapter chaque manière de prendre soin à un environnement.
Ainsi, le féminisme à travers l’écoféminisme trouve toute sa place dans les débats écologiques, car il permet de redonner la parole à ceux qui sont attaqués et qui ne peuvent s’exprimer librement. Par exemple, les mouvements des femmes rurales ont dénoncé auprès des syndicats agricoles l’oppression patriarcale agissant au sein des familles qui masquait la diversité de leurs tâches (agricole, domestique, etc.).
Sources
Laugier, Sandra, Jules Falquet, et Pascale Molinier. « Genre et inégalités environnementales : nouvelles menaces, nouvelles analyses, nouveaux féminismes. Introduction », Cahiers du Genre, vol. 59, no. 2, 2015, pp. 5-20.
Plumwood Val, Dans l’œil du crocodile. L’humanité comme proie, Paris, Wildproject, 2021.