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La musique pour les tout-petits, un bienfait pour leur développement

Par Mathieu Perchat le 2023/02
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La musique pour les tout-petits, un bienfait pour leur développement

Par Mathieu Perchat le 2023/02

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Le conservatoire de musique de Rimouski continue à bénéficier d’une subvention de recherche sur les bienfaits de la musique chez les enfants et leur développement. Subvention offerte par le Conseil des recherches en sciences humaines du Canada, s’élevant à un montant de 25 000$. Ce que le projet de recherche, mené par la chercheuse et professeure Martine Poirier de l’UQAR, soulève comme interrogation, c’est le rapport entre la perception musicale et l’apprentissage du langage.

Dans un premier temps, on pourrait quelle est la spécificité de la musique par rapport au langage ? Une musique n’est pas l’expression d’idées comme le ferait un ou une conférencière (Jankélévitch, 1983, p. 26), car la musique en générale ne se présente pas sur le plan des significations et des intentionnalités. Jankélévitch exprime bien l’écart présent entre le monde des idées utilisé par les concepts et celui de la musique : « l’univers musical, ne signifiant nul sens particulier, est d’abord à l’antipode de tout système cohérent (Jankélévitch, 1983, p. 27) ». Il insiste sur une absence de nécessité de lier de manière logique des concepts dans la musique contrairement au discours (Jankélévitch, 1983, p.31). Ainsi, la musique n’est pas la remorque de l’esprit, si elle était porteuse de sens comme l’est un langage, l’intellect deviendrait le pilote de la musique car le signe est toujours l’outil. La musique en tant que langage ne deviendrait que le subalterne d’un sens au-dessus d’elle (Jankélévitch, 1983, p. 37) serait le phénomène métaphysique qui guiderait le phénomène physique acoustique.

« Ce n’est pas en disant tout qu’on exprime le mieux (Jankélévitch, 1983, p. 67) », la musique dans son inexpression dévoile un sens dans le non-sens équivalent au non-dit qui dit plus que les mots. Elle rend volatile et fugace le sens en suggérant de manière évanescente. La musique signifie dans une généralité sans préciser (Jankélévitch, 1983, p. 75). « Le géomètre comme le Code civil, dit juste ce qu’il a à dire en vue de sa démonstration […] ; le poète, lui, dit autre chose, bien plus ou bien moins, mais le fait même d’amplifier ou de suggérer prouve que les mots du poète portent déjà un sens ; quant au flutiste, il n’exprime absolument rien, tout son discours se réduisant à des roulades et à des traits. La musique n’est pas un langage qui servirait à exprimer des pensées (Jankélévitch, 1983, p. 87) ».

Les mots posent une valeur de vérité à la musique qui en est emplie. Alors qu’au contraire, la musique n’a pas de sens véritable, mais laisse libre-cours à l’interprétation. Les mots dirigent son sens et lui en donnent un.

                Ce qu’on peut en conclure, c’est qu’étudier la musique développe la capacité à ressentir l’enracinement dans l’expérience et le vécu présent. De plus, l’entrainement à ressentir permet d’intégrer plus intensément les paroles qui accompagnent la musique, ou bien ce qui suggère la musique (Zhe Ji, 2008, p. 120). La musique est alors chargée d’informations qui dépassent un sens strict dicté par les mots. Mais cette propriété de la musique ne lui est pas spécifique, elle appartient plutôt au monde de l’art en général.

Il faut se garder de comprendre la musique comme le langage de l’émotion, car la concevoir comme un langage reviendrait à faire de la musique un symbole renvoyant à son objet « par l’intermédiaire d’une chaine d’interprétant » (Nattiez, 2014, p. 54). Comme nous l’avions dit au départ, la musique suggère, créée des images qui vont orienter des élocutions verbales qui vont cristalliser ce que le ou la sujet a ressenti.

                La musique n’est pas alors un langage, le lien entre une langue parlée et la musique se trouve alors autre part. Il pourrait se trouver dans la reconnaissance des sons. Et c’est dans ce lien que se trouve la pertinence de l’apprentissage de la musique pour le développement de l’enfant préscolaire.

Pour parler, il faut maitriser deux savoir-faire :  la compréhension du sens des mots par leurs relations grammaticales, et la prononciation correcte des sons ayant un sens déterminé (Pamula, 2008, p. 136). Apprendre la musique par l’écoute et la pratique permet de développer l’oreille musicale, donc la reconnaissance phonique. Ainsi, l’enfant aura une plus grande facilité à apprendre une nouvelle langue étrangère. Surtout parce que la musique ne stimule pas uniquement l’intellect, mais met en jeu le corps par la rythmique (Pamula, 2008, p. 136).

Il nous manque des études menées sur des enfants francophones, car la plupart ont été réalisées sur des sujets parlant d’autres langues. Et les langues utilisent différentes unités phonologiques, comme les syllabes ou les phonèmes, mais aussi différents motifs et organisation (Lessard, 2012). L’étude menée par Martine Poirier est alors très actuelle et précurseur, car une seule étude pilote menée auprès d’enfants québécois de cinq et six ans a été recensée (Bolduc & Montésinos-Gelet, 2005).

Sources :

J. Bolduca, L. Montésinos-Geletb, S. Boisverta, « Perceptions musicales et conscience phonologique : recherche auprès d’enfants francophones d’âge préscolaire », Psychologie Française, Volume 59, Issue 3, 2014, pp. 247-255.

Suzanne K. Langer, « Philosophy in a New Key », pdfymirrors, 2014.

Jerrold, Levinson, « L’appréciation esthétique de la musique », Nouvelle revue d’esthétique, vol. 15, no. 1, 2015, pp. 135-147.

Jean-Jacques Nattiez, « Ethnomusicologie et significations musicales », L’Homme [En ligne], 2004, pp. 171-172.

Malgorzata Pamula, « Sensibiliser les enfants à une langue étrangère par le biais d’une activité musicale », Synergies Espagne n° 1, 2008, pp. 133-140.

Vladimir Jankélévitch, La Musique et L’Ineffable, Seuil, Paris, 1983.

Gang Song, Zhe Ji, « Éduquer par la musique. De l’ « Initiation des enfants à la musique classique » à la « culture de soi » confucéenne des étudiants », Perspectives chinoises, n°104, 2008. pp. 118-129.

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