Actualité

Décroissance conviviale

Par Mathieu Perchat le 2023/02
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Décroissance conviviale

Par Mathieu Perchat le 2023/02

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

                Pour faire écho à la semaine de l’environnement, abordons la thématique fondamentale de la décroissance pour construire un monde en adéquation avec ses défis.  

À l’origine, la décroissance a vu le jour comme slogan pour réfuter l’idée de la croissance économique comme condition nécessaire au progrès et au bonheur humain (Abraham, 2019, p. 35). Aujourd’hui, ce slogan a muté en un mouvement politique grâce à la corrélation entre crises écologiques, sociales et politiques qui gangrènent notre époque.

La croissance économique est alors une idéologie qu’il nous faut renoncer volontairement et collectivement, avant qu’elle ne frappe durement en raison d’un manque de ressources, signifiant une vie sur terre rendue compliquée (Abraham, 2019, p. 35). Oui à un renoncement maintenant, symbole d’une sagesse et une action volontaire, plutôt qu’une sobriété qui nous sera imposée.

Productions vertes

                Les projets de développement durable, de croissance verte ou encore d’économie circulaire ne sont que des adaptations pour maintenir la croissance. De plus, ces projets sont totalement indifférents face à l’injustice et à l’aliénation que provoque « cette course à la production de marchandises. » (Abraham, 2019, p. 35). Le plus troublant que réside dans la défense de la croissance que ces projets continuent de véhiculer, comme si un « découplage » entre la production de biens et ses répercussions écologiques pouvait se produire grâce à l’utilisation de technologies moins gourmandes. Moins les produits consomment de ressources, plus on consomme de produit !

La seule manière de mettre un terme au désastre écologique consiste donc à produire moins (Abraham, 2019, p. 36).

Injustices sociales

                Arrêter la croissance est une action première mais qui ne peut se suffire à elle-même. La décroissance est aussi, mais surtout, un autre mode de vie qui réinvente des collectivités humaines justes et démocratiques (Abraham, 2019, p. 35).

Car la croissance accentue les injustices en creusant les inégalités entre les personnes humaines. Par exemple, le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) concluait que : « Le monde est plus inégalitaire aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été depuis la Deuxième Guerre mondiale » (Rapport, 2016, p. 16).

Cette croissance provoque également chez nous un mal-être évident, en nous imposant une nécessité d’être toujours productifs, et cela à tout prix. Même si cette activité ne présente aucun intérêt pour nous, ou elle nous fait sombrer dans un épuisement professionnel. Sans cette position de contributeur ou contributrice de la croissance, une marginalisation peu enviable de la société se produit (Abraham, 2019, p. 35).

Second principe de la décroissance

Le second principe qui compose la décroissance est le partage. Le principe du partage offre la possibilité à toustes d’avoir un accès aux ressources nécessaires à sa survie et à vivre une vie bonne, dans les limites biophysiques de notre planète. C’est pourquoi des limites à « l’accumulation du capital et à la propriété privée » (Abraham, 2019, p. 36) doivent être imposées ». À leur place, un doit à l’usage et à la coresponsabilité doit prédominer pour accéder à une existence digne généralisée.

Ce type de vie en société voit déjà le jour, reposant sur un souci d’autoproduction démocratique et soutenable. Par exemple, Montréal en abrite des dizaines : « Milton-Parc (coopératives d’habitation), Bâtiment 7 (centre de services locaux), La Remise (bibliothèque d’outils), Le Champ des Possibles (jardin public), UPop Montréal (université populaire), People’s Potato (soupe populaire), etc. » (Abraham, 2019, p. 36).

Or, actuellement il ne nous est pas possible de décider comment vivre ensemble. Nos politiques et institutions n’ont rien de démocratique, et sont elles-mêmes soumises à l’impératif de la croissance infinie. La preuve en est : Rimouski qui valide un projet de construction d’un Costco pour 2024 … Cette promotion de la consommation et de la croissance économique qui est perpétrée par nos dirigeants apparait clairement comme une irresponsabilité. Or ce sont les municipalités qui pourraient être les instances décisives de cette révolution (Abraham, 2019, p. 37).

Conclusion

                Ainsi, pour sortir de l’idéologie de la croissance, il suffit de relocalisation nos activités productives pour les rendre locales et en circuits courts ; nos activités doivent être low tech, « c’est-à-dire des techniques simplifiées, contrôlables par leurs utilisateurs et adaptées aux ressources (notamment énergétiques) » Abraham, 2019, p. 37).

La décroissance n’est donc plus un choix : ou bien elle sera subie et sauvage, désastreuse sans doute pour les plus démunis d’entre nous, ou bien elle sera volontaire et contrôlée autant que faire se pourra.

Source :

Abraham, Yves-Marie. « La croissance ? Objection ! », Gestion, vol. 44, no. 1, 2019, pp. 34-37.

« L’humanité divisée : combattre les inégalités dans les pays en développement », Programme des Nations unies pour le développement, 2014.

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