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Croître sans s’étaler: Quelques solutions pour une ville qui vise les objectifs du GIEC ?

Par Mathieu Perchat le 2023/02
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Croître sans s’étaler: Quelques solutions pour une ville qui vise les objectifs du GIEC ?

Par Mathieu Perchat le 2023/02

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

                La crise du logement locale et globale appelle à revoir le système qui guide la construction de notre manière d’habiter

L’un des principaux constats du rapport du GIEC est que la ville est l’un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre : « Les villes et autres zones urbaines sont responsables de plus des deux tiers des émissions mondiales, si l’on tient compte de ce qui est produit dans la ville et apporté d’ailleurs. Et le potentiel de réduction de ces émissions est considérable. » (Rapport GIEC, 2022, p.17).

                L’un des premiers phénomènes qu’il faut réussir à sortir, et qui a déjà été pointé par l’un de nos articles portant sur la finalité de la ville, est la décorrélation des lieux de consommation et les lieux de production. Ce qui engendre beaucoup d’émissions indirectes liées au déplacement de véhicules. Et le projet de Pointe-au-Père ne fait que perpétrer cette manière de concevoir nos espaces urbains avec une répartition des activités (production, consommation, logement, travail, loisir, etc.). Et le fait qu’une petite épicerie qui se trouve à proximité ne changera rien. Le transport lié à l’agencement urbain est alors un problème symptomatique ; et heureusement, le rapport du GIEC propose des solutions (qui auraient dû être étudiées par la ville …).

                Les collectivités territoriales peuvent agir sur deux secteurs : celui du bâtiment et de la construction et celui du transport et de la mobilité. Se concentrer sur ces deux secteurs permettra de réduire de plus du tiers les émissions de gaz à effets de serres directes et indirectes, car celui des bâtiments et de la construction représente 16% (en ajoutant les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie) et celui du transport 15%.

Ainsi, penser la manière dont on aménage nos territoires revient à agir sur ce tiers d’émissions globales.

Transport et urbanisme

Les solutions que le GIEC propose pour le secteur du transport en milieu urbain sont en réalité très connues. Avant toute chose, dans les 15% d’émissions, 10% sont imputables à l’utilisation de véhicules motorisés. La réduction de la dépendance à l’automobile et aux véhicules motorisés par différentes solutions est alors à envisager (éviter de prendre l’avion devient une évidence dans ce contexte !).

Pour se départir de la voiture, la transition vers des modes de transports doux comme la marche et le vélo, mais aussi un usage généralisé des transports en commun devient la solution clé. Le GIEC rappelle toutefois que l’électrification de véhicules comporte un effet rebond lié à la création de batteries et de production d’électricités.

D’autres solutions existent pour réduire les transports comme la diminution de la nécessité de se déplacer et donc la demande, ce que le projet de Pointe-au-Père ne fait pas du tout.

Ainsi, les villes ont un vrai rôle à jouer, outre d’attirer des investisseurs. Elles peuvent amorcer et accompagner la transition vers ces nouveaux modes de transports. Par exemple, pour les pistes cyclables, elles ne doivent pas attendre un besoin exprimé par les cyclistes pour commencer à mettre en place des pistes. Au contraire, les villes doivent précéder ces demandes en mettant en place immédiatement des infrastructures ambitieuses, permettant à une grande majorité de personnes d’utiliser en toute sécurité et légitimité ces nouveaux moyens de transport. L’accessibilité pour les personnes en situation de handicap est alors primordiale. On retrouve ce même procédé pour la piétonnisation de la ville, en construisant des trottoirs suffisamment larges et situés de chaque côté de la voie pour rendre la marche plus agréable, ou au minimum sécuritaire afin de la favoriser. Étant au Québec, l’hiver frappe plus fort lorsqu’on est piéton, ce qui demande de repenser la priorité piétonne vis-à-vis de la voiture.

Ainsi, le rapport préconise des villes compactes, marchable avec des espaces publics de qualités pour les piétons et les vélos. Bref, rien de neuf et pourtant. Les formes urbaines compactes et accessibles à pied sont associées à des émissions de gaz à effet de serre plus faibles, et une co-localisation des lieux de vie et de travail.

D’autres solutions sont possibles, comme des toits végétalisés, l’installation de forêts urbaines à la place des immenses places de stationnement, une débitumisation des courts d’eau, pour augmenter la capacité de stockage du carbone de la ville.

Il faut aussi prendre en compte que la réalisation de ces réductions va favoriser la qualité de vie et réduire les inégalités sociales (GIEC, 2022, p. 17). Par exemple, la qualité de l’air et la résilience face aux vagues de chaleur seront accrues ; mais aussi l’accès aux transports sera favorisé car facilité (à la fois pour les personnes en précarités financières ou en situation de handicap, mais aussi, car la grande majorité des déplacements se feront à pied).

Ainsi, pour le GIEC, réduire les émissions pour une ville, passe par « la préservation de la biodiversité ; la restauration des forêts et des autres écosystèmes naturels, la baisse de la déforestation ; l’adaptation au changement climatique, etc. » (GIEC, 2022, p. 17). En espérant que la ville de Rimouski va revoir ses priorités et son projet de construction à Pointe-au-Père. Il faut mettre fin à l’ère de l’étalement urbain sur les milieux naturels. Selon Vivre en Ville et plusieurs experts, l’étalement urbain est l’une des principales causes de la dégradation de l’environnement naturel au Québec (vivreenville.org).

            La construction

                Un élément très important pointe le rapport du GIEC concernant le secteur de la construction, c’est l’efficacité incontestable de la sobriété versus les solutions basées sur l’efficacité.

Les solutions basées sur l’efficacité comportent et entrainent des effets à rebonds plus négatifs que les effets positifs qu’elles apportent. On le voit bien avec les nouvelles technologies qui règlent un problème, mais en créent d’autres, comme la consommation de ressources qu’elles demandent.

Les villes contiennent un potentiel substantiel de réduction des émissions grâce à diminution de la consommation d’énergie en adoptant des énergies renouvelables bas carbone (éolien, photovoltaïques, etc), en rénovant les bâtiments et en créant des villes plus compactes.

L’innovation n’est alors pas à prioriser, mais plutôt viser la sobriété, le moins vaut mieux que le plus.

Pour le GIEC : « Il est prouvé que les processus de développement climato-résilient associent les différentes connaissances (scientifiques, autochtones, locales, professionnelles…), et qu’ils sont plus efficaces et durables parce qu’ils sont adaptés aux contextes locaux et conduisent à des actions plus légitimes, pertinentes et efficaces [C]. Ces processus surmontent les barrières juridictionnelles et organisationnelles, et sont fondés sur des choix de société qui accélèrent et approfondissent les transitions des systèmes clés » (2022, p. 35).

Sources :

Rapport du GIEC, Quelles solutions face au réchauffement climatique ?, viepublique.fr, 2022, https://dixit.net/giec3/

Ludivine Cozette, Ghislaine Tandonnet-Guiran, Jérôme Boutang, Mark Tuddenham, Colas Robert, « 2em volume : adaptation », 6em rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), Citepa, 2022. https://www.citepa.org/wp-content/uploads/Citepa_2022_03_d01_INT_GIEC_Adaptation_AR6_Vol2_VF.pdf

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