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Chronique du gars en mots dits: Satanée biodiversité !

Par Jean-Francois Vallée le 2023/01
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Chronique du gars en mots dits: Satanée biodiversité !

Par Jean-Francois Vallée le 2023/01

J’ai failli intituler cette nouvelle chronique « L’homme révolté », en clin d’œil à Albert Camus, la révolte étant une colère canalisée dans l’action. Mais j’ai préféré me décrire comme un gars en « mots dits », qui l’exprime pour la partager.

Ces temps-ci, je cauchemarde. Mon sommeil, agité, est perturbé par le bal incessant de pelles mécaniques, de marteaux piqueurs et de toute la machinerie que nos semblables ont inventée pour tout détruire avant de… construire. Jusque dans mes songes les plus intimes, ils m’encerclent, m’étouffent, me picossent de partout, grattant le sol sous mes pieds, dynamitant les falaises à mes côtés, éventrant la terre, creusant des tranchées. C’est que je dois digérer la lecture de L’habitude des ruines, de Marie-Hélène Voyer, qui dénonce la « pasteurisation de nos paysages qu’on a pacifiés, domptés et refoulés »…

À mon réveil, encore tout groggy, j’ouvre les stores… et je constate que je ne rêvais pas ! Toutes les Caterpillar de ce monde se sont vraiment donné rendez-vous derrière chez moi. Des chenillettes mécaniques qui achèvent d’écrapoutir les dernières chenilles encore encoconnées d’une ancienne forêt devenue terre en friche abandonnée. Mais rien dans ce que la nature a pu inventer n’est de taille à résister à l’Empire de la destruction.

Quand on y pense, quelle emmerdeuse, cette biodiversité : elle empêche de tout raser en rond, de tout dynamiter, niveler et uniformiser nos paysages. Elle tient même tête au mantra : den-si-fier ! À tout prix. Empilons les retraités les uns sur les autres en leur sacrifiant les plus beaux endroits qui tenaient fragilement tête au développement effréné de nos villes.

La vitesse fulgurante à laquelle nos élus et nos promoteurs ont intégré dans leur vocabulaire le verbe « densifier » n’a égal que leur lenteur à comprendre ce que signifient des expressions comme « corridor faunique » ou des termes comme « biodiversité » ou « humus ». Ils n’accueillent à bras ouverts que les néologismes payants, et font la sourde oreille à tous les cris de la nature susceptibles de menacer leur portefeuille.

Le 19 décembre 2022, la COP 15 adoptait l’accord de Kunming-Montréal, qui vise à protéger 30 % des milieux naturels maritimes et terrestres d’ici 2030. Elle a scellé un « pacte de paix avec la nature ». Pendant ce temps, dans plusieurs régions du Québec, tout se passe comme si les promoteurs et les élus continuaient leur guerre ouverte permanente contre la nature. Presque partout où les maisons des Aînés et des Bâtisseurs sont érigées, de Saguenay à Rivière-du-Loup, de Gatineau à Sherbrooke, c’est au détriment des derniers boisés. Avec la bénédiction de la Société québécoise des infrastructures. Amen.

Tout se passe aussi comme si la ville cherchait sans cesse à repousser la satanée nature, coupable d’être non rentable, hors de ses murs. La ville devient un rempart, une muraille inexpugnable contre toute brèche naturelle à colmater. Son obsession : éloigner les vrais loups de toutes les rivières du Loup de ce monde, justement, pour laisser toute la place aux loups de l’immobilier.

Le français exclu de la COP 15 à… Montréal

Autre cauchemar éveillé. À la télé, j’entends le ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbault nous parler avec fierté de la signature de l’accord historique. Mais sa déclaration me fend l’âme en deux. D’un côté, je jubile et je crois rêver : protéger 30 % du territoire, enfin, il était temps ! De l’autre, je retombe sur terre et j’enrage : pourquoi annoncer cette bonne nouvelle en… anglais ? Le français est-il une langue interdite à Montréal, au Québec, au Canada, à l’ONU ?

Puis, je me rappelle que l’exemple vient de haut : Emmanuel Macron lui-même a lancé en 2017, avec l’ONU et la Banque mondiale, le très français « One Planet Summit » durant lequel il se faisait un honneur de parler dans la langue de Boris Johnson et de Joe Biden. Mais pourquoi ? Baptiser son propre bébé d’un nom anglais, et annoncer ses progrès dans une autre langue… quel à-plat-ventrisme ! Que devient le noble métier de traducteur ? L’oreille étrangère souffrirait-elle à vibrer sous des sons non germaniques ? Les agences de presse et les grands médias sont-ils incapables de traduire ?

Au palmarès des langues internationales, le français fait encore bonne figure. Mais quand on écoute les Macron des Guilbault de ce monde, on en vient à douter de son utilité et de sa pérennité.

On peut céder la 1re place sans s’effacer complètement.

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