
PHOTO: Vue, au premier plan, de l’Islet, rattaché au village par un tombolo. Au loin, l’archipel des Pèlerins composé des cinq îles: Petit Pèlerin, Long Pèlerin, Gros Pèlerin, Pèlerin du Milieu et Jardin du Pèlerin. PHOTO : Nicolas Gagnon
S’il existe un maire allumé et conscientisé sur les questions reliées à la protection de l’environnement, des forêts et des paysages, c’est bien Gervais Darisse! Natif de Saint-André et maire depuis 2009, il parle avec autant de fierté que de passion des combats passés comme présents que sa municipalité a menés pour protéger les beautés qui fondent la signature de son paysage si exceptionnel.
Certaines menaces passées ont marqué l’imaginaire parce qu’elles semblent carrément tenir de la fiction : en 1950, dans le contexte de la Guerre froide, à l’extrémité ouest de l’île du long Pèlerin, une bombe nucléaire (!) explosait au beau milieu du fleuve… Un quadrimoteur américain parti de Goose Bay, au Labrador, aux prises avec des ennuis de moteur, a dû larguer une bombe qui a causé une déflagration semant l’émoi jusqu’à 50 km à la ronde1.
Quelques décennies plus tard, en 1975, le gouvernement fédéral souhaitait construire des centrales nucléaires le long du fleuve, non seulement à Saint-André, mais aussi à Saint-Roch-des-Aulnaies et à Saint-Michel-de-Bellechasse. On y aurait utilisé l’eau lourde du projet Laprade à Bécancour, carburant nécessaire à leur fonctionnement. À l’époque, le projet bénéficiait de l’appui d’Hydro-Québec. Même le Jacques Parizeau d’alors ne croyait pas à l’avenir de l’électricité. Gervais Darisse se remémore, soulagé : « Quand Hydro-Québec s’est aperçue que toute la région se trouvait sur une immense faille géologique et que le fédéral s’en est retiré parce que le projet Laprade était tombé à l’eau, ça nous a sauvés. »
Plus récemment, en 2012-2013, le projet d’oléoduc de Trans-Canada a également suscité une vive opposition à Saint-André : « Le tuyau aurait passé sur les terres de Saint-Joseph et Saint-Pascal, mais l’implantation du port méthanier risquait de perturber la pouponnière des bélugas. Ce secteur fragile se trouvait lui aussi dans notre portion de fleuve, à proximité de l’île Blanche, ce qui a convaincu le conseil de s’y opposer ». À l’époque, M. Darisse avait d’ailleurs fait paraître dans Le Mouton Noir un article critique intitulé « Le pétrole et le mal des transports2 ».
Enfin, en 2013, un promoteur prévoyait construire des maisons de luxe sur deux des îles des Pèlerins. « Le conseil municipal a alors rehaussé leur statut de protection par l’adoption d’un règlement l’interdisant formellement. Ces îles jouissent donc désormais d’une protection intégrale », rappelle-t-il fièrement.
Convaincre les concitoyens
Ce n’est pas tout. Les inondations de 2010 ont forcé le recul de l’aboiteau de Saint-André, mais il a d’abord fallu s’entendre avec les propriétaires terriens. Pour y parvenir, le maire a fait circuler des photos montrant l’impact de certains travaux ayant eu pour effet d’ouvrir le passage à l’eau. « Chaque propriétaire a alors pris conscience qu’un aboiteau constitue un ouvrage collectif et que chaque geste individuel compte. Il faut parfois consentir à perdre certains privilèges, comme celui de couper des arbres ou de creuser pour se dégager la vue sur le fleuve… En fin de compte, nous avons donné raison à la mer », souligne le maire. Il souhaite par ailleurs aux municipalités de Saint-Denis-de-la-Bouteillerie et de Kamouraska d’arriver à s’entendre de la même manière avec leurs agriculteurs.
Mais la principale source de fierté du maire remonte à 2014. « Nous avons créé la réserve naturelle de l’embouchure de la rivière Fouquette, qui a soustrait 15 hectares sauvages à la spéculation immobilière. S’y sont ajoutées par la suite trois réserves privées situées à l’ouest de la maison de la Prune. C’est quelque chose de rare. » Le statut de réserve naturelle garantit une conservation intégrale : « Aucune exploitation ou intervention humaine ne peut s’y dérouler. Ce statut cède aussi un droit permanent et inaliénable à l’État québécois. En revanche, les propriétaires sont exemptés de taxes », précise le maire.
D’autres secteurs à surveiller
Dans l’avenir, le conseil souhaite que l’Islet, une presqu’île privée reliée au rivage par un tombolo et située à l’entrée ouest du village, devienne un jour publique. Il surveille tout autant le développement de la pittoresque rue du Cap, à l’ouest de l’Église : comme c’est le cas de tous les autres promontoires naturels qui parsèment le littoral du Kamouraska, de nombreux villégiateurs souhaiteraient mettre le grappin sur une portion et les déboiser pour se ménager une vue plongeante sur le fleuve.
Chose certaine, avec un maire comme Gervais Darisse, les beautés de Saint-André peuvent dormir tranquilles : un protecteur aussi vigilant qu’éclairé veille sur elles. Sa sensibilité pour les enjeux liés à l’occupation du territoire n’est sûrement pas étrangère au fait qu’il détient une formation en agroéconomie et a fait carrière à la Financière agricole.
Dans le prochain numéro, nous brosserons le portrait de la municipalité de Saint-Germain-de-Kamouraska.
—————————————————
1. « Il y a 65 ans, une bombe était larguée à Saint-André-de-Kamouraska », Radio-Canada, 10 novembre 2015, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/749014/bombe-atomique-saint-andre-kamouraska-bas-saint-laurent-armee-americaine
2. Gervais Darisse, « Le pétrole et le mal des transports », Le Mouton Noir, 2013, https://www.moutonnoir.com/2013/09/le-petrole-et-le-mal-des-transports/
À Saint-André-de-Kamouraska, tout comme à Saint-Germain sa voisine, les pointes boisées perçant le fleuve cèdent élégamment la place aux îles. La nature lui en a légué onze magnifiques : les cinq de l’archipel des îles Pèlerins, et les six de l’île aux Lièvres. Le premier archipel a appartenu à la municipalité de Saint-André-de-Kamouraska dès sa fondation, en 1791. Le second, bien que situé au large de Notre-Dame-du-Portage, Rivière-du-Loup et Cacouna, n’a pas été réclamé par ces municipalités à leur constitution, en 1855-56. C’est ainsi qu’en 1882, Saint-André a pu les annexer.