
Par Catherine Belleau-Arsenault
L’autrice fait partie de l’Initiative de journalisme local
Après avoir atteint un sommet en 2011 avec un taux de propriétaires de 69 % au Canada, de plus en plus de ménages sont dorénavant locataires de leurs logements, selon un récent rapport de Statistique Canada. L’enjeu, c’est que les logements locatifs sont aussi de plus en plus financiarisés au pays, selon un rapport commandé par le Bureau du défenseur fédéral du logement (BDFL).
De 2011 à 2021, la croissance du nombre de ménages locataires était de 21,5 %, ce qui est plus du double de celle du nombre de ménages propriétaires à 8,4 %. Les adultes de moins de 75 ans sont ainsi moins susceptibles d’être propriétaires de leur logement en 2021 qu’une décennie plus tôt.
Les jeunes millénariaux de 25 à 29 ans ont aussi de moins en moins de chances d’être propriétaires de leur logement. En 2011, le taux de propriétaires était de 44,1 % et il est passé à 36,5 % en 2021.
Des frais de logements qui augmentent
Les millénariaux de 25 à 40 ans représentent 32,6 % des locataires, soit la plus grande part de locataires au Canada. Pourtant, les locataires ont vu une augmentation de leurs dépenses au cours des dernières années : leurs frais de logement mensuels ont augmenté de manière plus importante que les frais de logement des propriétaires.
Les frais de logement mensuels médians des locataires ont augmenté de 17,6 % de 2016 à 2021, alors que c’était de 9,7 % pour les propriétaires[1]. Pour les locataires, ces frais comprennent le loyer et les services publics comme l’électricité, le carburant, l’eau et autres services municipaux. Pour les propriétaires, ces frais comprennent l’hypothèque, l’impôt foncier et les frais de copropriété (si c’est le cas), ainsi que les paiements pour les services publics.
Quand le logement devient de plus en plus un actif financier
S’il y a une croissance de locataires au Canada, il y a aussi un nombre croissant de sociétés financières qui achètent du logement locatif. « De 1996 à 2021, les sociétés de placement immobilier à elles seules sont passées de zéro à près de 200 000 logements », selon un rapport commandé par le Bureau du défenseur fédéral du logement (BDFL). Les causes de cette financiarisation viendraient du désengagement de l’État providence et de l’annulation des logements sociaux ; de la déréglementation du contrôle des loyers et de la protection des locataires ; ainsi que des politiques publiques qui ont permis la création de véhicules financiers pour l’investissement immobilier.
Les sociétés vont généralement augmenter leurs revenus grâce aux augmentations de loyer qui vont rendre les logements moins abordables. « Pour ce faire, les sociétés demandent des augmentations de loyer régulières et des augmentations supérieures à la ligne directrice après avoir effectué des réparations importantes admissibles et ils cherchent à favoriser “la rotation des locataires” pour augmenter au maximum les loyers des unités qui deviennent vacantes », indique le rapport.
Parmi les recommandations pour les provinces, le rapport suggère par exemple de mettre en place des contrôles stricts des loyers — y compris des contrôles des logements vacants —, d’éliminer les augmentations de loyer supérieures à la ligne directrice, de renforcer les protections des locataires et prévenir les expulsions, ainsi que de réviser la législation sur la location et le bail pour protéger contre les rénovictions.
La protection des locataires est pourtant une question qui est quelque peu éclipsée devant les propositions de construction de nouveaux logements sociaux ou abordables lors de l’élection provinciale de 2022. Par exemple, lors du débat électoral à Rimouski le 27 septembre dernier, alors que les candidats ont débattu sur le thème de la crise du logement et de la hausse du coût de la vie, seule la candidate de Québec solidaire a soulevé la question de la protection des locataires. Sa proposition consistait à interdire les hausses abusives des loyers en obligeant les propriétaires à justifier les hausses qui dépassent les augmentations recommandées par le Tribunal administratif du logement.