
Quelles sont les conditions de travail et de pratique des artistes et travailleurs.euses culturel.les de la région du Bas-Saint-Laurent ? Pour le savoir, Culture Bas-Saint-Laurent, en collaboration avec Léger, a réalisé un sondage[1] sur les réalités professionnelles en culture au Bas-Saint-Laurent entre 2019 et 2021. Les résultats révèlent notamment que 97 % des répondants estiment faire du travail invisible, c’est-à-dire de consacrer un temps de travail non rémunéré à des activités liées à l’art, telles que la recherche, la création, les répétitions ou les déplacements.
Le travail invisible dans le milieu culturel et artistique constituerait une dimension centrale à la précarité du secteur : alors que 97 % des répondant.e.s estiment faire du travail invisible, 56 % des artistes ou des travailleuses.eurs culturel.le.es ont répondu en faire toutes les semaines.
Ce travail invisible s’ajoute aux freins à l’engagement dans le domaine culturel que sont l’augmentation du coût de la vie (45 %), la surcharge de travail (45 %), l’imprévisibilité des activités (37 %), le statut professionnel non reconnu ou peu valorisé (34 %) et les conditions de travail insuffisantes (34 %).
Les artistes ou des travailleuses.eurs culturel.le.es n’ont pas la possibilité d’accorder tout le temps qu’ils aimeraient aux activités professionnelles dans le domaine. Ils ont accordé en moyenne 70 % de leur temps au milieu artistique en 2021, mais ils souhaiteraient pouvoir accorder 83 % de leur temps.
En 2020 et 2021, les répondant.e.s ont mentionné accorder en moyenne 12 % de leur temps à un emploi salarié dans d’autres secteurs d’activités pour faire face notamment à l’augmentation du coût de la vie.
Une communauté engagée, au statut pourtant précaire
La communauté qui travaille dans le milieu culturel au Bas-Saint-Laurent serait particulièrement engagée. Les principaux moteurs de la motivation professionnelle des artistes ou des travailleuses.eurs culturel.le.es visent plus à redonner à la communauté que de soutenir leur développement personnel : leur motivation est de contribuer au rayonnement des arts et la culture de la région (83 %), de participer à l’avancement et au déploiement des arts (77 %) et de contribuer plus largement à leur communauté (73 %).
Au cours des deux dernières années, 73 % des répondant.e.s ont aussi fait du bénévolat en culture ou dans d’autres secteurs.
La rémunération des métiers artistiques et culturels reste toutefois un enjeu incontournable, car il nuirait à l’attraction et au maintien de l’expertise sur le territoire. Le sondage révèle que 57 % des répondants ont un revenu annuel de moins de 40 000 $, dont 20 % de moins de 20 000 $. Les travailleurs autonomes dépenseraient aussi annuellement 6 975 $ en moyenne pour pouvoir réaliser leurs activités professionnelles, artistiques et culturelles.
La pandémie a aussi eu des impacts négatifs sur la pratique professionnelle en art et culture. Le principal impact pour 31 % des répondant.e.s a été le ralentissement, le report ou l’arrêt des activités, des projets, des contrats, ou du chômage. L’isolement social, le manque d’échanges avec les pair.e.s, les équipes ou les groupes est aussi un des impacts mentionnés par 19 % des répondant.e.s. De plus, 18 % des personnes interrogées ont souligné avoir été affecté par des problèmes de santé mentale, tels que le stress, l’anxiété, la fatigue émotionnelle, une détresse psychologique, ou autres.
La pandémie aura tout de même permis aux personnes œuvrant professionnellement en culture de consacrer plus de temps à la recherche et à la création, ainsi que de découvrir de nouvelles opportunités de travail en ligne.
Au Bas-Saint-Laurent, l’éloignement des grands centres aurait aussi un impact sur la pratique professionnelle, artistique et culturelle. Pour 52 % des personnes sondées, il ferait notamment gonfler les coûts associés aux dépenses professionnelles, tels que les prix des matériaux, les frais de location de déplacement, ou autres. Les impacts de l’éloignement varient toutefois beaucoup d’une personne à l’autre. Pour certains, cet éloignement rend difficile l’accès aux réseaux de pairs, tels que les activités de réseautage, les grands événements sectoriels ou autres (45 %), alors que pour d’autres, cet éloignement vient avec un financement insuffisant, voire inexistant (42 %). La couverture médiatique serait aussi limitée avec l’éloignement : 41 % des personnes interrogées qui ont indiqué que la couverture médiatique était insuffisante ou même absente.
[1] Le sondage a été mené auprès de 204 répondants du Bas-Saint-Laurent issus majoritairement du milieu rural.