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Abolir la propriété privée ou mourir entre pauvres (partie 2/3)

Par Gabriel Leblanc le 2022/10
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Abolir la propriété privée ou mourir entre pauvres (partie 2/3)

Par Gabriel Leblanc le 2022/10

Nous vivons sur une planète dont la superficie est illimitée. Sa circonférence? Infinie. De cette manière, un propriétaire peut posséder le nombre de lots qu’il veut, le nombre d’immeubles qu’il veut, le nombre d’entreprises qu’il veut, et jamais sa liberté de posséder n’entravera celle des autres. Il peut même ordonner sur son immeuble des rénovations inutiles, envoyer des personnes à la rue, et puisque ces dernières ont un choix illimité d’alternatives à l’habitation, elles pourront, sans misère, trouver quelque chose qui leur conviendra tout autant. Vous connaissez dorénavant la source des égalités.

Kenneth Boulding, un économiste, disait : « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Aujourd’hui, des analystes de l’économie nous parlent, sur heure de grande écoute, du Dow Jones, du Nasdaq, de la bourse, comme s’il ne s’agissait pas de quelque chose de complètement braque. Existe-t-il un lien entre propriété et croissance, entre la fin du monde et les riches?

C’est ce que je compte décortiquer, ou à peu près, en résumant en quelques mots ce que d’autres ont cherché à expliquer en une vie de temps.

Propriété, valeur et profits

Depuis des siècles, des économistes cherchent à justifier le poids de la propriété dans la valeur des marchandises. Ils y sont allés d’élucubrations sautées, de sophismes ridicules, et d’explications qui semblaient à la solde des possédants. À en croire que ces gens qui avaient accès à la tribune et au savoir étaient issus des classes hautaines et destructrices!

Mais de manière généralement acceptée, on dira d’une chose qu’elle vaut ce qu’elle vaut parce qu’elle intègre différents coûts de production. Par exemple, la valeur des matériaux et le coût de la main-d’œuvre. À cela, les capitalistes aiment toujours se prendre une petite part additionnelle, une marge de profit, pour justifier, disent-ils, l’achat d’une villa à quelques pas à peine de leur paradis fiscal pour éviter d’utiliser la voiture.

On s’imagine souvent la « propriété » comme quelque chose de physique : une maison, un bateau, etc. Mais comme je le mentionnais précédemment, la propriété, c’est surtout un «  ensemble de droits, notamment celui d’exploiter les autres et de laisser guider ses décisions par le profit ». Proudhon (1840, p.288-290) y va par énumération : la propriété, c’est le « droit de vendre, d’échanger, de donner; droit de transformer, d’altérer, de consommer, de détruire, d’user et d’abuser, […] un droit de produire sans travailler ». C’est ce petit dernier droit qui doit nous intéresser.

La propriété, c’est le vol

La marge de profit prélevée par le capitaliste (le propriétaire des moyens de production), c’est une forme de propriété ou, du moins, un droit inhérent à la propriété : celle de faire du cash en ne faisant rien. Possédant le travail de ses employé-es – on peut s’entendre pour dire qu’en usine, par exemple, ce que les ouvrièr-es produisent ne leur appartient jamais – le propriétaire peut se saisir des marchandises produites, les charger au prix qu’il veut sans nécessairement tenir compte du coût réel de la chose. Le prix de la vente des marchandises lui concède une certaine somme, avec laquelle il peut ensuite payer toutes les dépenses de l’entreprise, y compris le salaire de ses employé-es et le sien, et ce qui reste (le profit) constitue une valeur imaginée, issue de nulle part, qu’il a volée à la société tout entière.

Il l’a volé à la société tout entière puisque cette valeur n’est constituée de rien, sinon d’un fantasme individuel de s’enrichir. Et il l’a intégré au prix de sa marchandise, celle-ci exposée dans les rayons de magasins, payée par la société.

« Oui, mais il a travaillé pour! », rétorque François Lambert, encore gelé.

Non, ta yeule. Le propriétaire peut avoir une fonction dans l’entreprise. Il peut faire la comptabilité, passer la serpillère, exécuter des tâches connexes. À ce moment, nous comprendrons que son travail crée une valeur. Mais la valeur (le profit) dont je parle, c’est celle qui ne se justifie en rien, sinon par le fait que « j’me mets le cash que je veux din poches, c’est MA buisiness ». Sa participation au « succès » de l’entreprise n’est en rien supérieure à celle des autres travailleur-euses. Il a droit à un salaire, mais l’excédent constitue nécessairement un pillage.

« Il prend des risques », ajoute François, saoul raide et laid. Et les employé-es prennent le risque de potentiellement travailler pour un idiot qui va les slaquer sans raison ou faire faillite par simple stupidité. Ça va, François?

Abolir la propriété

« Existe-t-il un lien entre propriété et croissance, entre la fin du monde et les riches? », ai-je demandé.

La propriété, qui concède n’importe quel droit, notamment celui de créer une valeur artificielle (le profit ou « le droit de produire sans travailler »), génère des valeurs qui finissent nécessairement par être payées par les non-possédants. Les choses coûtent plus cher que leur valeur réelle parce que des gens, au nom de la divine propriété, peuvent s’en mettre plein les poches, impliquant que la société tout entière est continuellement endettée vis-à-vis les capitalistes et les propriétaires. Il existe une valeur artificielle après laquelle il faut toujours courir, sous laquelle il faut toujours croître pour l’atteindre.

Ce faisant, on crée la nécessité d’exploiter la nature en continu, de « créer des richesses », de croître sans cesse. En résumé, la propriété doit tomber.

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