
Nous vivons sous la dictature des oligarchies du capitalisme financier qui dominent le monde.
Jean Ziegler, vice-président du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme à l’ONU, mai 2020
En temps de crise, il y a des opportunités d’affaire.
Mitch Garber, multimillionaire made in Quebec
Je crois qu’il est important de bien expliquer une chose banale : c’est quoi un riche ?
Le riche n’est pas simplement une personne charismatique qui possède beaucoup d’argent, de nombreuses maisons, un costard, un char luxueux, une belle montre, qui mange mieux et qui développe des goûts raffinés que lui envie la majorité. LES JALOUX ! Non. Le riche est d’apparence humaine, mais seulement parce que ses tentacules sont sous l’eau. Nous n’en voyons que la partie émergée, rassurante et télégénique. Mais lorsque le kraken se déploie, son souffle défrise n’importe quelle bouclette. D’un coup de crayon, il licencie des milliers de travailleurs ; un coup de téléphone, il jase au premier ministre ; un coup de tête, il se rend dans l’espace ; un coup de volant, il oriente le monde ; et d’un coup de foudre, il tue par amour. Chaque fois que j’en vois un à la télé, j’entends la trame sonore du film Jaws. Faut voir le riche tel un prédateur affamé et toujours armé : ouvrir le portefeuille, c’est ouvrir la mâchoire. Sa simple existence impose la mort à toutes autres formes de vie comme si des étoiles incandescentes évoluaient parmi des êtres de charbon. Se mouvant dans le ciel, il tutoie les nuages.
Y’a pas si longtemps, les bonzes milliardaires en cravate se prenaient pour des rois. Maintenant, les jeunes milliardaires en t-shirts et Converse de la Silicon Valley se prennent pour Dieu. Les bonzes cravatés voulaient ouvrir un PFK en Inde, maintenant les ingénieurs coolness veulent installer le Wi-Fi sur Mars et donner des noms de galaxie à leur zizi. La première chose que ces messies mégalomanes vont envoyer sur la planète rouge, c’est leurs trois coachs de vie avec de l’encens, de la myrrhe et un Nintendo. Si les ingénieurs techno-cool de la Silicon Valley montent dans l’espace, c’est seulement pour nous prendre de plus haut. Un jour, on arrêtera de dire « cet homme est riche », et avec lucidité et empathie, on dira plutôt « cet homme souffre de problèmes de santé mentale graves qui mettent la vie terrestre en danger ». L’accumulation infinie de capitaux doit être considérée comme une pathologie à soigner et à condamner. Psychologues, psychiatres, médicaments, traitements, camisole de force et séjour à l’asile, voilà ce qu’il faut donner aux affairistes en Rollerblades de L.A. et aux patrons du Québec inc.
Des millionnaires qui veulent payer plus d’impôts?
Dans une pétition lancée lors du Forum économique de Davos en 2020, un groupe se nommant les Millionnaires contre les fourches « exhorte les riches du monde entier à payer plus d’impôts afin de réduire les inégalités sociales et de lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique. »1 Ah… Vous êtes cutes : «Réduire». C’est bien essayé. À mon avis, vous n’avez tout simplement pas compris que pour sauver la majorité de la population mondiale, votre classe sociale doit être dépecée, désossée et compostée. J’irai faire du dumpster diving dans vos cercueils. Politique zéro déchet. Votre réformette fiscale, c’est pour éviter que des jardiniers passent la tondeuse sur votre face. Abattons moins d’arbre, mais plus de riches. Tu consens à offrir quelques piasses de plus en impôt pour sauver la planète ? On appelle ça se serrer la ceinture Gucci. En échange, nous autres, keep calm and carry on ! Parce qu’abolir les inégalités représenterait un projet politique beaucoup trop démocratique, juste et équitable. Danger ! Mais un coquet « réduire », ça n’effraie personne, ça sent bon, c’est élégant et ça polit la rutilante domination de l’oligarchie mignonne-mignonne qui sent le Old Spice. Plus d’une fois, l’OCDE a soutenu que « les inégalités de revenu ont une incidence négative sur la croissance économique à moyen terme ». Le FMI a également démontré que la croissance repose sur la redistribution, et pas sur la concentration des revenus. Bref, c’qui faut comprendre de ça, c’est que cet élan de « générosité » des millionnaires vise à sauver la croissance économique, et pas du tout nos carcasses de miséreux brandissant des fourches et voyageant en charrette.
La science contre les riches
Parue fin août dans la revue Nature2, une nouvelle étude confirme (encore!) que les inégalités sociales constituent un facteur déterminant du chaos écologique. Plus on est riche, plus on pollue. Le résultat est sans équivoque : si les inégalités de richesse restent proches du niveau actuel, d’ici 2050, la consommation d’énergie pourrait être jusqu’à deux fois plus élevée que dans un monde plus équitable. Le site Reporterre traduit bien les projections futures de cette étude : « Pour réduire la consommation d’énergie mondiale, il faut limiter le train de vie des riches tout en soutenant les plus modestes. La voracité des super-riches est particulièrement pointée du doigt par les scientifiques : toujours à horizon 2050, la consommation d’énergie du 1 % de la population mondiale super-riche pourrait être égale à celle nécessaire pour assurer un niveau de vie décent à 1,7 milliard de personnes, soit la totalité de la population africaine de 2050 », selon les projections démographiques. Pis ça ose encore se demander pourquoi le plat favori des pauvres, c’est un riche poivré au calibre 12.
Comment accepter de se priver des besoins de base, alors que les patrons des gros groupes financiers jouissent de privilèges toujours plus importants (jets-privés, yachts, manoirs, voyages dans l’espace, énorme influence sur le politique, etc.)? S’attaquer aux injustices économiques, voilà la vraie lutte aux changements climatiques.
[1] Bernard Barbeau, « Des millionnaires qui réclament de payer davantage d’impôts », Radio-Canada, janvier 2020.»