
Nous sommes en 2045 et le capitaine Jackson Haze de l’agence spatiale canadienne trouve non pas une planète là où la main de l’homme n’a jamais mis le pied pour y déménager six milliards de tatas, mais tout un système jumeau au nôtre dans lequel se trouve Ursus, une planète viable. Une conquête secrète commence alors et se développent en parallèle deux sociétés, dont celle d’Ursus qui ignorera toute l’éthique entourant la sélection génétique. Près de trois cents ans plus tard, la jeune terrienne Émeraude fait la rencontre de l’Ursidien Aspen, en mission sur Terre. Ce dernier peut voir les auras et est fasciné par celle d’Émeraude. Il décidera d’enfreindre toutes les lois pour lui laisser le journal personnel de la famille Haze ainsi qu’un code secret. Dix-sept ans plus tard, leurs chemins se recroiseront et commencera alors une romance interdite au milieu des complots qui se trament entre les deux lunes d’Ursus.
Avec Phénotype, l’autrice et biologiste rimouskoise Marie-Jeanne Rioux signe le premier tome d’un diptyque après Les Élus. Le messager quitte les rivages de la fantasy pour plonger dans une science-fiction destinée à un public jeune adulte et mettre à profit le bagage de biologiste de l’autrice. La narration alterne entre les points de vue d’Émeraude et d’Aspen, se permettant quelques digressions dans le journal des Haze et celui de « Chat », pardon Shawn, le meilleur ami d’Émeraude.
L’autrice offre un point de vue critique sur notre société en soulevant certaines problématiques : la question de l’environnement par exemple (des piques nombreuses et méritées sont lancées aux Terriens des années 2000), ou la recherche de la perfection physique au détriment de la richesse intérieure. Comme quoi, même si les Ursidiens ont été génétiquement modifiés, ils demeurent des humains. Le roman présente d’ailleurs toute une réflexion sur la condition humaine, sur le fait de tirer profit de ses défauts, sur ce qui nous permet de nous dire humains. Le roman se penche aussi sur la condition de la femme et dresse un portrait terrifiant des grossesses forcées, ce qui n’est pas sans trouver un écho dans les débats actuels de nos voisins du Sud quant à l’avortement. On sent le roman traversé par une ferveur, par le souhait de défendre des idéaux, mais aussi par une passion pour la géologie. Marie-Jeanne Rioux signe une lettre d’amour à la beauté des paysages polaires du Grand-Nord canadien.
On excuse les quelques maladresses de la plume, en revanche on apprécie une histoire bien ficelée et des personnages incarnés. L’amitié entre Émeraude et Shawn (personnage au caractère « attachiant » de charmant emmerdeur) les rend très sympathiques. Aspen est aussi très touchant dans sa découverte des sentiments amoureux.
Ce premier tome du Messager a su planter des graines intéressantes, il me tarde de les voir croître.
Marie-Jeanne Rioux, Le messager. Phénotype, ÉdiLigne, 2022, 350 p.