
Disons-le tout net: la libre entreprise, ce n’est pas pour tout le monde.
Le 21 août, le journal Le soir rapportait l’histoire de cette femme, inscrite au programme de solidarité sociale, qui, voulant démarrer une petite entreprise, s’est retrouvée confrontée aux pires tracasseries administratives possibles.1 À peu près au même moment, le 16 août, paraissait un article dans le journal Le Soleil, qui raconte comment Investissement Québec et le gouvernement du Québec, grands pourvoyeurs de la Davie, ont laissé celle-ci changer tranquillement la structure de sa société afin de la mettre à l’abri de l’impôt en ayant recours aux paradis fiscaux. Cela n’intéressait même pas le gouvernement, apprend-on, par la bouche même de monsieur Leitao, ex-ministre des Finances sous le gouvernement libéral du bon docteur Couillard.2 On leur aura même permis ce changement énorme et déloyal envers une société qui les subventionne, sans remplir des tonnes de formulaires, apparemment : «Selon nos informations, Investissement Québec (IQ) a approuvé le déménagement de la société de contrôle de Davie vers Guernesey [où elle paiera 0% d’impôt] à l’été 2021, une fois que la transaction avait déjà été réalisée. IQ devait donner son feu vert à tout changement dans l’actionnariat du chantier en raison des millions qu’il a prêtés à ses propriétaires au fil des ans.»
Alors, voilà: si vous êtes une «grande» entreprise, habituée au soutien financier de l’État, sous prétexte que vous êtes créateurs de jobs (mais qui crée les jobs ici?), vous avez le droit de faire à peu près n’importe quoi avec l’argent que l’État vous octroie. Rappelons tout de même que cet argent vient en grande partie de la somme de nos impôts et taxes que nous confions aux gouvernements pour qu’ils le distribuent de façon juste et équitable. Par contre, si vous êtes une petite dame qui cherche à retrouver son autonomie, à se sortir de sa dépendance financière au gouvernement, on va vous envoyer lettre sur lettre pour exiger de vous une reddition de compte si imposante que les faibles revenus (51$) de votre petite entreprise seront entièrement avalés par les frais de papeterie. On vous aura tellement angoissée que vous en perdrez le courage de continuer et l’on vous dira aussi que tout cela est de votre faute parce que vous auriez dû vous renseigner avant, même s’il n’y a aucun agent ou agente du développement en région pour vous répondre ou pour vous soutenir.
Cherchez la logique…
Pourtant, on nous bassine les oreilles avec l’idée de la libre entreprise, de l’auto-entrepreneuriat. On nous explique que nous devons être une petite, toute petite PME, dont la ressource est notre propre force de travail (qu’on nous somme de surexploiter, comme tout ce qui est exploité en ce bas monde) et votre débrouillardise. On nous aura gavés avec la nécessité de nous réinventer, ce que cette dame avait bien l’intention de faire, dirait-on.
Depuis longtemps, maintenant, tout a été mis en place pour détruire les petits et privilégier les gros. Ces deux exemples montrent sans nuance les injustices d’une société qui entretient avec l’argent et son administration un rapport nauséeux.
[1] https://journallesoir.ca/2022/08/21/harcelee-pour-50-de-vente/?fbclid=IwAR1KqZf94uhkWyc1uKaypqnlE5ehCSZxubdMNALkmLA–OyvwcZxAaodd2Q
[2] https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2022-08-16/chantier-davie/le-recours-aux-paradis-fiscaux-ne-preoccupait-pas-trop-quebec-admet-l-ex-ministre-leitao.php