Exclusivité Web

Quand l’art attise le politique

Par Simone Tremblay le 2022/07
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Quand l’art attise le politique

Par Simone Tremblay le 2022/07

Tout art est engagé, même si l’artiste prétend ne pas l’être. Se dire apolitique revient à une acceptation tacite du statu quo.

Ce n’est un secret pour personne, Fred Dubé fait de l’art engagé. Pourtant, le 4 juillet dernier, au Bien le Malt, il a mené sa démarche artistique plus loin dans son plus récent spectacle, « Le pacifisme va nous tuer ». L’art, dans ce cas-ci, sert directement l’action politique, comme un feu de bois pour alimenter la révolte. Le spectacle se lie au politique « en devenant un lieu de prise de conscience pour l’artiste et le public, en devenant un lieu d’acquisition de connaissances, où le public se politise et réfléchit sur le monde et sur l’action qu’il peut mener dans le monde1. »

Fred Dubé a exposé, à travers blagues et anecdotes, les structures de domination et les rapports de force qui nous conditionnent – et ce, toujours avec humour. Il a abordé des thèmes sociaux et rimouskois, notamment, évoquant la perception des Montréalais sur la région ou ses souvenirs de la Grande place.

Après une heure de spectacle, Dubé a invité sur scène Sara Trottier, professeure de littérature, pour un atelier d’origami d’extrême gauche : fabriquer une cagoule avec un t-shirt. Le choix de la cagoule a été expliqué ainsi : « La cagoule est un symbole de militantisme qu’il faut se réapproprier et dont il faut renverser la charge symbolique. Porter la cagoule effraie, et pourtant nous ne reconnaissons pas les autres symboles autour de nous qui sont beaucoup plus violents : la cravate des décideurs, les F-150 des privilégiés. Nous portons la cagoule non pas pour nous cacher, mais pour enfin être vu.e.s. Et qu’on ne puisse plus nous ignorer. »

Puis, défonçant le quatrième mur, Dubé a convié le public à former un « Club de marche radicale ». Une trentaine de personnes d’horizons différents, la majorité masquée, a pris la rue pour marcher jusqu’au Conseil de ville de Rimouski. S’arrêtant devant la RBC, les manifestant.e.s ont écrit des messages anticapitalistes sur le trottoir de cette banque qui « est la plus grande source de financement de projets d’extraction fossile du Canada. En 2019, elle était la première banque au monde pour le financement des sables bitumineux. » (source : Banking on Climate Change, 2020).

À l’Hôtel de ville, le Club de marche radicale a tenté de planter des végétaux, tels des rosiers sauvages, des épinettes, du topinambour ou de la menthe, malgré les protestations du gardien de sécurité. La police observait la scène sans toutefois intervenir, car aucune loi ni règlement n’ont été enfreints. Les manifestant.e.s scandaient au portevoix que « les élu.e.s sortent les mains en l’air, qu’ils cessent leur prise d’otage et qu’ils libèrent la démocratie. »

Les élus municipaux étaient vraisemblablement au courant qu’ils auraient de la visite ; l’effectif de sécurité a été renforcé pour l’événement et la séance a été ajournée beaucoup plus tôt qu’à l’habitude. Quand les manifestant.e.s sont entrés dans l’Hôtel de ville, les élu.e.s venaient tout juste de prendre la poudre d’escampette. Contrairement à ce qui a été relayé par Radio-Canada (que les manifestants sont arrivés trop tard), nos sources indiquent plutôt que les élu.e.s ont pris la fuite devant la horde de citoyens qui voulaient les questionner sur des dossiers chauds, tels la crise écologique et la crise du logement, sujets qui sont traités plutôt froidement par le Conseil de ville.

La prochaine représentation du « Pacifisme va nous tuer » (avec vers 20 h, le « Club de marche radicale ») est prévue le lundi 18 juillet prochain à la microbrasserie Le Bien le Malt, à 19 h.


[1] Ève Lamoureux, « Bertold Brecht : un artiste engagé », dans Bulletin d’histoire politique, volume 10, numéro 2 (hiver 2002), p. 135.

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