
Le nomadisme, les Sapiens ont ça dans le sang. Il y 12 000 ans à peine, les fourrageurs, des nomades, étaient non seulement relativement en santé, mais ils avaient plus de temps de loisirs que nous! Comment est-ce possible? Cela est principalement dû à leur mode de vie nomade.
Qu’en est-il du nomadisme moderne? Si on se fie aux comptes Instagram des Vanlifers, ces jeunes occidentaux au sourire zen semblent en effet avoir beaucoup de temps libre pour faire du yoga et de la planche à rame, ou du yoga sur une planche à rame. C’est ainsi qu’un mode de vie plus que millénaire est maintenant adopté par des influenceurs blancs cis hétéros au corps svelte pour vendre des tasses vintage et des couvertures à carreaux.
Ici, le mot nomade réfère à une volonté consentie de mobilité. On exclut donc de cette définition les réfugiés, les sans-abri et autres nomades de sofa en sofa, évincés de leur logis. En effet, le #NomadLife glorifie la contre-culture seulement quand elle ne dérange pas trop. Le capitalisme est doué pour s’approprier des éléments marginaux tout en invisibilisant les personnes marginales.
Toutefois, il existe aussi des sans domicile fixe, par choix, qui vivent leur petite vie de nomade tranquille, loin des réseaux sociaux. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on ne les voit pas dans l’espace public. Ils ne partagent pas goulûment leur mode de vie à tout va. Par leur choix forcément hors-norme, ils nous permettent de réfléchir à notre vision du monde et à nos valeurs, qu’elles soient relatives à la surconsommation, au lâcher-prise ou encore aux liens sociaux.
Marie Kondo, gourou du minimalisme, serait fière des nomades. Par la force des choses, ils se déplacent avec très peu de vêtements, d’accessoires, d’articles de pharmacie, de produits électroniques, etc. Et vivent très bien ainsi. Souvent, même leurs loisirs et leur besoin en services de tout genre sont minimaux. Les randonnées, quand elles sont sans trace, offrent des souvenirs incroyables à faible coût environnemental. Le seul bémol : ces nomades se déplacent souvent en avion, ou accumulent le nombre de kilomètres dans leur véhicule. Cela dit, pas plus que la moyenne des sédentaires occidentaux.
Si vous avez écouté ne serait-ce qu’un discours bouddhiste dans votre vie, vous connaissez quelque peu le concept d’impermanence des choses. Dans son livre Les nouveaux nomades1, Maxime Brousse fait un lien assez intéressant entre impermanence des choses et nomadisme. L’impermanence des choses, c’est se rappeler que tout est éphémère : des petites choses comme une journée de pluie à de grandes choses comme… notre vie. En prendre conscience aide à relativiser les petits maux du quotidien. Comme la définition même du nomadisme est l’impermanence – du lieu de vie –, ce mode de vie requiert une grande capacité d’adaptation, un lâcher-prise et une débrouillardise incroyable.
Les nomades des temps modernes sont souvent seuls sur la route, ou vivent dans un noyau familial serré. Pourtant, ils savent que tout nomade a besoin de liens sociaux avec les sédentaires, que ce soit pour fraterniser ou demander de l’aide. En échange d’un service reçu, ils peuvent réparer une machine défectueuse ou encore simplement offrir une écoute attentive. Un cadeau précieux. Il leur arrive même de s’enraciner parfois. Pas avec de grosses racines, juste le temps de se poser un peu.
Loin d’eux l’idée de juger les sédentaires, ils savent très bien que la vie sur la route n’est pas faite pour tout le monde. On peut tout de même souligner leur audace d’avoir franchi le pas vers une vie plus libre que la moyenne des sédentaires, malgré le lot d’embûches (choisis, on le rappelle).
Si le nomadisme, c’est se libérer du 9 à 5 pour avoir les yeux rivés sur ses nombreux comptes de réseaux sociaux, peut-on réellement parler de liberté? Si le nomadisme, c’est repenser le monde, ou du moins son monde, pourquoi pas?
1. Maxime Brousse. Les nouveaux nomades. Arkhé, 2021, 192 p.