
« Vous êtes pas écœurés de mourir, bande de caves ? C’est assez ! »
Claude Péloquin, poète
Baptiser un camping «Sydney Crosby» en l’honneur du joueur d’hockey, construire un gros pouffe en bois pour l’installer au pied de l’immense fauteuil Adirondack ou démolir la Grande Place pour bâtir une tour à logements de luxe pour riches retraités sont trois choses qui n’amélioreront en rien la crise du logement ni la «vitalité» du centre-ville.
Tel qu’annoncé en grande pompe de pompeux, le Groupe Sélection construira un édifice de six étages comprenant 170 logements de luxe pour vieux nantis autonomes du dentier, des espaces commerciaux et 233 places de stationnement pour l’auto solo. La privatisation du centre-ville se poursuit : des tours d’habitation stériles et sans âme au milieu d’une mare de stationnements.
Faut-il rappeler que la crise du logement, ce n’est pas seulement un nombre d’unités habitables qu’on doit augmenter, mais aussi et surtout des logements sociaux et à prix modiques qu’on doit bâtir et rénover?
Malgré ça, notre maire Guy Caron fanfaronne gaiement : « La démolition du bâtiment et la mise en place d’un milieu de vie dynamique et moderne s’inscrivent à la perfection dans la vision que nous avons du cœur de la ville pour le futur. Ce projet insufflera un vent de fraîcheur profitable pour les développements à venir et pour toute la population ». Qu’y a-t-il de dynamique? De moderne? De frais? Ce futur n’a pas d’avenir, Guy.
Qu’un maire démodé d’un autre siècle soit affilié au milieu des affaires n’est pas surprenant. Surtout quand ce même maire a le privilège d’avoir au moins deux maisons, à Gatineau, en famille et à Rimouski quand il daigne venir badiner à la mairie.
Mais qu’aucun élu.e ne s’objecte et s’oppose à ce développement de luxe en plein cœur de la ville, comme un affront aux moins nantis, démontre clairement la médiocrité et l’aplaventrisme crasse qui gangrènent le cerveau de ceux et celles qui siègent à l’Hotel de Ville.
Encore pire, aucun média n’a couvert cette nouvelle construction sous un angle critique. De Radio-Canada à la radio CFYX en passant par les journaux Le Soir et L’Avantage, ils ont tous, sans exception, relayé le communiqué de presse qu’avait rédigé pour eux Groupe Sélection. Ces médias, censés incarner les chiens de garde de la démocratie, ne sont que des toutous bien domptés. J’invite ces journalistes militants du statu quo à lire le rapport de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) au sujet de l’entreprise Groupe Sélection.1
Selon ce rapport de l’IRIS, le promoteur et constructeur Groupe Sélection est la plus importante entreprise privée du secteur des complexes pour retraités au pays. La valeur de ses actifs dépasse 5 milliards $. Son modèle d’affaires est basé sur des partenariats étroits avec de grandes multinationales financiarisées, dont certaines ont été dénoncées ailleurs pour leurs pratiques éthiquement douteuses et financièrement risquées. Ces magnats de l’immobilier sont surtout lourdement financés par les fonds publics. Le modèle d’affaire de Groupe Sélection ouvre toute grande la porte à un processus de financiarisation de l’hébergement au détriment des personnes âgées vulnérables. Autrement dit, ces logements de luxe créent davantage d’injustices sociales. Malgré les bonnes personnes qui y travaillent, si les CHSLD sont en déclin, c’est à cause de ce genre de bâtisses qui sucent les subventions publiques, mais qui privatisent les profits.
Dans un monde en déclin où les scientifiques commettent des actes de désobéissance civile pour implorer l’humanité d’opter pour la décroissance, nos élu.e.s de droite et nos médias réactionnaires ne peuvent entrevoir la ville que par la lorgnette de la croissance mortifère, du développement privé et du PIB bandé, créant des inégalités sociales et enrichissant toujours plus les corporations voraces.
Dans un article, le Regroupement information logement explique l’idéologie toxique de la mainmise du privé sur le développement urbain : «Les promoteurs raisonnent d’abord et avant tout en termes de rentabilité financière. Les projets résidentiels de grande densité sont concentrés dans les mains d’un petit nombre de promoteurs immobiliers, qui disposent d’importants capitaux grâce aux fonds d’investissement. L’objectif premier de leurs tours en hauteur n’est pas d’assurer à tous et à toutes un toit sur la tête, ni de répondre aux besoins cruciaux et urgents de la population, ni de penser la ville à échelle humaine. C’est d’atteindre des rendements les plus enviables possibles pour les investisseurs de leurs sociétés en commandite.»2
« Fred, tu critiques, mais tu proposes quoi? »
Je suis bien conscient que la Ville manque de ressources et que les pouvoirs sont centralisés dans l’État québécois du Caquistan. Mais ce ne doit pas être une excuse pour ne pas se battre! Revendiquer! Oser des actions radicales!
Voici des exemples concrets pour réaliser un virage vert : localiser de manière pratique et écoresponsable tous les nouveaux bâtiments publics; un centre-ville 100% piéton, un transport en commun efficace, des vélos en partage gratuit; réformer la Loi sur l’expropriation3 et exproprier les grands propriétaires; taxer les riches; cesser la consommation comme passe-temps et facteur de croissance: miser sur le partage d’objets (voiture, outils, instruments de cuisine); installer plein de petits commerces essentiels dans les divers quartiers de Rimouski; ne pas se contenter de simplement planter des arbres seuls, mais cultiver des milliers d’arbres en guilde pour créer une biodiversité de forêts urbaines résistantes et résilientes4; soutenir l’agriculture urbaine, notamment en rendant plus de terrains disponibles pour les jardins collectifs; éviter de gruger les terres agricoles, d’emplir les milieux humides ou de couper les boisés; contrôler et mettre au pas les promoteurs capitalistes; interdire la construction dans les boisés et les milieux humides; instaurer le municipalisme libertaire comme système politique pour remplacer ces élu.e.s qui raisonnent comme des gérants de caisse populaire aux commandes de la Ville.