
Dans les années 70, des citoyens du Témiscouata se sont mobilisés dans le cadre des Opérations Dignité pour éviter la fermeture de plusieurs villages dans l’Est-du-Québec. Ils ont créé le premier groupement forestier pour faire une gestion intégrée des ressources forestières, un modèle qui s’est répandu à l’échelle de la province. Aujourd’hui, c’est au tour des producteurs agricoles de la région de créer un premier groupement agricole pour redynamiser l’économie agricole et lutter contre les terres en friche.
« Que ça arrive dans le JAL (Saint-Juste-du-Lac, Auclair, Lejeune), ce n’est pas une coïncidence », croit le chargé du projet pour le Groupement agricole au Témiscouata, Kalil Mnasri. Il observe que les gens se souviennent des Opérations Dignité et sont motivés à revitaliser leur municipalité. Le projet de Groupement agricole du Témiscouata est d’ailleurs porté par la coopérative de solidarité Agroénergie de l’Est, dont les locaux sont situés dans l’ancien caveau à patates construit durant les Opérations Dignité. « Les locaux d’AgroÉnergie, c’est l’ancien caveau à patates à Lejeune où il y a beaucoup de gens qui se sont mobilisés pour justement recréer une économie dans les années 70 », remarque le chargé de projet.
Les terres en friche, un symptôme de dévitalisation
Le projet de Groupement agricole du Témiscouata vient notamment des producteurs du JAL qui voulaient redynamiser le milieu agricole en remettant les terres en culture par l’établissement d’aspirants agriculteurs.
Le groupement s’est aussi joint à un autre projet qui consiste à planter du panic érigé sur les terres en friche, afin de préserver leur potentiel agricole. Le panic érigé est une espèce pérenne dont les racines profondes contribuent à décompacter la terre. La plante peut être utilisée comme litière en production animale ou comme biomatériau pour créer par exemple des barquettes de poutine entièrement compostables.
L’idée du Groupement agricole du Témiscouata reprend ainsi le concept des groupements forestiers : « Un groupement forestier, quand ils font un plan d’aménagement forestier, ça leur est remboursé par le gouvernement, il y a des subventions qui sont données pour le reboisement. On voudrait simplement que ce soit la même chose pour la remise en culture des terres », explique monsieur Mnasri.
Le Groupement agricole du Témiscouata veut donc offrir des services aux producteurs afin de remettre en culture les terres en friche et éviter leur reboisement : « Ce sont des terres qui ont été défrichées par les grands-parents de nos grands-parents, l’idée c’est vraiment d’être capable de garder ces terres-là en culture et de les améliorer aussi », précise-t-il.
Déjà, au terme de la première année du projet, le groupement agricole a permis de défricher dix hectares de terres et de remettre en culture 29 hectares pour la plantation de panic érigé. De plus, quatre aspirants agriculteurs ont bénéficié d’un accompagnement pour s’établir dans la région.
Relever les défis de l’établissement
Avec le groupement agricole, Kalil Mnasri travaille ainsi à relever les nombreux obstacles que vivent les aspirants agriculteurs qui souhaitent s’établir. Que ce soit l’enjeu de l’accès aux terres, le manque d’expertise agronomique, l’accès aux subventions ou l’hébergement, le chargé de projet travaille à relever ces nombreux défis. Les leçons qui sont tirées peuvent aussi servir de modèle pour les autres régions.
Ainsi, pour faciliter l’accès aux terres, les aspirants agriculteurs peuvent avoir accès à une terre en location. Le groupement agricole leur offre aussi gratuitement un service de caractérisation agricole complet. À terme, le groupement est aussi en train de s’équiper pour faire les travaux de sols afin que l’aspirant puisse « partir sur une terre qui est prête à produire ».
Le groupement agricole travaille aussi avec la MRC afin de développer un guichet unique pour les aspirants producteurs qui recherchent du financement et ainsi leur éviter de passer par les douze travaux d’Astérix, tel que décrit par le chargé de projet.
La question de l’hébergement reste toutefois un important frein à l’établissement de la relève agricole. Un jour, Kalil Mnasri souhaiterait ainsi avoir un lieu d’hébergement alternatif comme l’auberge Le Récif à Trois-Pistoles qui offre un premier pied à terre pour tout aspirant qui souhaiterait s’établir.
« Je pense qu’on en inspire beaucoup »
Le projet de Groupement agricole du Témiscouata peut ainsi être un modèle pour les autres régions, tant dans la structure que dans les services qui sont offerts. « C’est vraiment un projet innovant d’avoir un organisme qui s’occupe spécifiquement de la remise des terres en culture, ça n’existe pas ailleurs », souligne le chargé de projet. Il observe aussi que d’offrir le plan de caractérisation pour les producteurs est aussi une pratique innovante.
« Si on fait un modèle qui marche, pourquoi ne pas le prendre plutôt que de commencer à zéro ? Le but ultime c’est vraiment d’être capable d’avoir un modèle qui peut s’appliquer quand même assez bien aux autres MRC, surtout du Bas-Saint-Laurent pour commencer », explique monsieur Mnasri.