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Le Cégep de Rimouski appelle la SQ pour réprimer ses étudiants

Par Simone Tremblay le 2022/06
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Le Cégep de Rimouski appelle la SQ pour réprimer ses étudiants

Par Simone Tremblay le 2022/06

« Une société qui laisse la police entrer dans ses écoles mérite de disparaitre. »

La dette du Collège de Rimouski

Endetté de 3,6 millions de dollars, le Collège de Rimouski en sera, le 21 juin prochain, à présenter son plan de redressement financier au Ministère de l’Éducation supérieure. Une consultation de la communauté collégiale s’est donc déroulée le 19 mai dernier à la salle George-Beaulieu. Environ 150 membres du personnel y étaient. Pour le moment, plusieurs options sont toujours sur la table pour régler la dette : il est question soit de faire des compressions budgétaires, de vendre des terrains appartenant au Collège ou même de privatiser les résidences étudiantes. La décision reviendra au conseil d’administration.

Diviser pour mieux régner

Initialement, cette consultation devait inclure les étudiant.e.s. Puis, les plans ont changé; les étudiant.e.s pouvaient y être, mais sans droit de parole. Ils ont donc protesté, et le directeur général, François Dornier, a décidé de les exclure de façon pure et simple de la soirée du personnel, mais en leur accordant, une semaine plus tard, une rencontre uniquement entre eux et la direction. Diviser pour mieux régner.

Certain.e.s étudiant.e.s ont décidé de se réunir pour manifester contre leur exclusion et exprimer leurs préoccupations sur l’avenir du Collège. Leur but n’était pas d’empêcher la rencontre, mais plutôt qu’on ne les oublie pas à travers le dédale des considérations gestionnaires. Rassemblé.e.s à l’extérieur de la salle, ils arboraient des affiches disant, entre autres, « Cégep connekté, DG déconnekté », ou encore « Ensemble vers les dettes ».

Selon une étudiante qui manifestait ce soir-là : « C’était une sorte de rappel pour dire que le coût de la vie est élevé et que la population rimouskoise vit une crise du logement. Que les résidences sont un endroit assuré aux étudiant.e.s qui sont toujours utilisés aujourd’hui – la preuve, elles sont pleines! C’était pour montrer que la situation des résidences a un impact monstre sur les étudiant.e.s et qu’il est important que nous soyons consultés sur le sujet. »

Vers la privatisation des fonds publics (sans consultation du public)

Les gardiens de sécurité vérifiaient les cartes d’employés de chaque personne qui souhaitait entrer dans la salle. L’accès était donc filtré et la rencontre, pour ainsi dire, à huis clos. Même chose pour le C.A. précédent, qui avait été déclaré à huis clos quand le bruit s’est répandu que des membres de la communauté souhaitaient y assister. Ni médias ni étudiant.e.s ne pouvaient donc entendre le contenu de la rencontre. Il faut noter qu’il est ici question de privatisation de bâtiments financés à même les fonds publics, dans un établissement d’éducation, lui aussi public. Paradoxalement, presque tout le monde est exclu de l’avenir du Collège de Rimouski, un sujet qui pourtant relève de la démocratie.

Nos sources qui ont réussi à se glisser dans la rencontre témoignent que le personnel a «cuisiné» le DG, François Dornier, pendant plus de 2 heures. La consultation a pris des airs de crise de confiance à l’égard de la direction et de la gestion du Collège des dernières années. Le président du conseil d’administration, Raymond Lacroix, également vice-PDG de Telus, prenait parfois la perche pour tenter de sauver les meubles, mais sans grand effet. Il y avait sur scène ces gestionnaires-comédiens revêtant des masques bienveillants, jouant au théâtre de l’éducation-marchandise et de l’école-usine à diplômes. Or les spectateurs n’étaient pas dupes de la mascarade qui se jouait sous leurs yeux.

Arracher la peinture et la confiance

Puis, pendant que les portes de la consultation étaient closes, les étudiant.e.s ont arpenté le bâtiment pour y coller des affiches. Un étudiant témoigne de la tournure de la soirée : « Je me rappelle, vers 19h45-20h00, les policiers sont arrivés et couraient dans le cégep à toute allure afin de trouver quelques malfaiteurs qui auraient causé des méfaits. » Environ une quinzaine d’agents de la Sûreté du Québec ont effectivement fait irruption au cégep à la suite d’un appel visant une dizaine d’étudiant.e.s.

« La policière a demandé brutalement de la suivre et nous a dit qu’on pouvait garder le silence et contacter un avocat, parce qu’on serait accusés de méfaits. On lui a demandé ce qu’on avait fait et elle ne le savait pas plus que nous. On lui a expliqué qu’on avait juste collé du tape sur le bureau du Directeur général. Elle nous a dit que du tape qui arrache de la peinture, c’est un méfait. », témoigne un autre étudiant abasourdi.

Les étudiant.e.s ont cherché à savoir ce qu’est un méfait. « Ils nous accusaient sans savoir ce que nous avions fait », ajoute une étudiante. Ce à quoi le policier aurait répondu : « on va arrêter de jouer avec les mots. »

Neuf d’entre eux ont été séquestrés par les policiers pendant 10 minutes dans un local. La SQ les menaçait, les prévenant que des accusations seraient portées contre eux et qu’ils auraient un casier judiciaire. Les étudiant.e.s disent avoir été insultés et intimidés, notamment par l’agent Lévesque, puis mis dehors brutalement de leur propre cégep. Une membre de l’équipe policière a même suggéré aux étudiant.e.s de porter plainte pour les flagrants écarts déontologique de son collègue, l’agent Lévesque.

Cette année, on n’en est pas au premier bris de confiance entre les étudiant.e.s du Cégep et la direction. Le 22 mars dernier, lors de la manifestation commémorant la grève de 2012, le DG a refusé aux étudiant.e.s l’accès à la salle de La Coudée pour s’y rassembler et s’y réchauffer avant la marche. L’accès à la salle avant une manifestation est pourtant une tradition implantée depuis belle lurette.

« La situation semble anecdotique, mais elle reflète au contraire une grave vérité sur les méthodes diplomatiques et sur l’ingérence des valeurs personnelles et des principes du directeur général dans ses fonctions. », dénonçait alors Xavier Gravel au journal Le Soir. Force est de constater que Xavier Gravel avait visé juste, car la décision du Cégep d’appeler la police, le 19 mai dernier, est sans commune mesure avec le fait de coller des affiches sur un mur.

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