
Sur les sites de recherche de logements à Rimouski ou au Québec, personne ne se surprend de voir apparaître des photos de chiens ou de chats. Ces photos sont accompagnées d’une description avantageuse de l’animal : il ne jappe pas, il dort tout le temps ou il ne détruit rien. C’est qu’au Québec, peu importe la qualité du locataire, s’il ne trouve pas de logement pour son chien ou son chat, il se retrouvera sans logis, à moins de se débarrasser de son animal de compagnie.
La SPCA de Montréal a lancé en avril dernier une pétition à l’Assemblée nationale contre l’interdiction des animaux dans les logements qui prendra fin le 6 juin 2022. Au moment d’écrire ces lignes, cette pétition atteignait presque 30 000 signataires. C’est que selon la SPCA de Montréal, seulement 4,2 % des propriétaires de logement acceptent les chiens1.
Pourtant, plus de la moitié des ménages québécois (52 %) possèdent un chat ou un chien. Le Québec compte désormais environ 3 250 000 animaux de compagnie. Il faut dire que la pandémie s’est accompagnée d’un fort engouement pour l’adoption de chats et chiens. Durant les dix-huit premiers mois de la pandémie, 200 000 chiens et chats ont intégré les foyers québécois, selon un sondage Léger commandé par Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ).
Un manque de progressisme du droit québécois
Contrairement au Québec, la France et l’Ontario interdisent les clauses prohibant les animaux de compagnie dans les logements. En France, le locataire a le droit de détenir un ou plusieurs animaux domestiques dans son logement à condition qu’il respecte la tranquillité du voisinage. Le locataire est aussi responsable de tout dégât ou trouble anormal de voisinage que son animal peut causer2. Le droit français vient ainsi répondre à la préoccupation des propriétaires qui souhaitent éviter les dommages et désagréments dans leur logement en accordant la responsabilité au locataire.
Pourtant, « si le Québec se targue d’être progressiste en matière de protection des animaux, il n’en va pas de même en ce qui a trait au droit d’un locataire d’aménager librement dans un logement avec son animal », précise, d’entrée de jeu, le professeur Jean Turgeon, professeur agrégé de la Faculté de droit de l’Université Laval. Dans sa publication, il amène des pistes de réflexion pour la mise à jour du droit québécois.
Le professeur indique que l’approche actuelle qui défend la clause du bail interdisant les animaux dans les lieux loués « se fonde sur le droit du XIXe siècle qui prône la liberté contractuelle sans réserve ». En respectant systématiquement cette clause du bail, la Régie du logement permet des abus de droit tels que l’expulsion de locataires sans préjudices sérieux. Plusieurs propriétaires de logements ajoutent même cette clause de manière préventive.
La nécessité d’une mise à jour du droit québécois
Monsieur Turgeon soulève ainsi plusieurs pistes de réflexion pour mettre à jour le droit québécois. Par exemple, il rappelle que le statut juridique de l’animal a changé et qu’il n’est plus considéré comme un simple bien. Dorénavant, la loi stipule aussi que l’État doit « mettre en place un régime juridique et administratif efficace afin de s’assurer du bien-être et de la sécurité de l’animal ». Pourtant, lors de l’adoption de ces lois, ces changements n’ont pas fait l’objet d’amendements au Code civil du Québec pour interdire les clauses prohibant les animaux de compagnie dans les logements :
« La loi, la jurisprudence et la doctrine antérieures doivent être revues pour s’adapter à cette nouvelle réalité juridique voulant que l’animal ne soit plus un objet ou un simple bien avec les conséquences qui s’ensuivent. Il faut une interprétation renouvelée qui ne rend pas sans effet la Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal et la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal ainsi que leurs objectifs, sinon le législateur aurait parlé pour ne rien dire »3.
Ainsi, plusieurs lois québécoises veillent au bien-être animal, mais elles sont rendues inopérantes avec la pratique actuelle du droit. Pour rectifier le tir, une mise à jour du droit québécois est nécessaire. Entre-temps, avec la pénurie de logements qui sévit actuellement au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, les propriétaires d’animaux de compagnie seront pris à faire des choix déchirants au 1er juillet prochain.
[2] Le propriétaire peut seulement ajouter au bail une interdiction de chiens d’attaques. D’ailleurs, pour posséder un chien d’attaque en France, il faut suivre une formation qui permet d’attester que la personne est apte à détenir ce chien. Sinon, la personne est passible d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.