Exclusivité Web

La pensée locale

Par Éliane Vincent le 2022/06
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La pensée locale

Par Éliane Vincent le 2022/06


C’est l’histoire d’un organisme communautaire qui cherchait sa voie. Il a trouvé ses voix.

On le sait, par chez nous, ça prend un perron d’église. Les ouailles ont des choses à dire, et c’est le dimanche matin qu’on a pris l’habitude de les dire. Aujourd’hui, évidemment, on n’a plus les églises qu’on avait, et les perrons se font rares. Mais ça ne change pas le fait qu’on a des choses à dire.

C’est ce que se disaient Raymond Cadrin et ses collègues de l’organisme Communications communautaires des Portages (CCDP) en 2010. Créé en 1974, l’OBNL avait tâté de la télévision et de la radio communautaires, avait publié des chroniques d’opinion dans l’hebdomadaire louperivois Info- Dimanche et publié un CD sur le thème de la citoyenneté. En 2010, on était mûr pour l’étape suivante : ramener le perron d’église au 21e siècle. Et au 21e siècle, le perron, c’est l’écran. Tout le village est là, pourquoi ne pas profiter de cette tribune pour créer un dialogue? Puisqu’il paraît que de la discussion jaillit la lumière, Raymond et ses copains ont décidé d’être l’étincelle.

Ils ont donc entamé des démarches auprès de quelques ministères pour bonifier un peu le modeste pécule qu’ils détenaient. L’objectif : créer un blogue qui porte la voix des gens d’ici, et provoquer quelques chocs dans les idées des citoyens pour leur donner le goût d’échanger et de développer la réflexion collective. Tout ça avec intelligence, bonne foi et respect.

On a fait ça sérieusement : on a réfléchi au contenu, déterminé les orientations, identifié des thématiques, on a ciblé des blogueurs potentiels, on les a rencontrés, on a discuté. Raymond Cadrin rappelle l’enthousiasme avec lequel ceux-ci ont accueilli la proposition : « On avait l’impression que le discours ambiant dans les médias était assez conservateur en général. On voulait proposer un discours plus progressiste, provoquer des débats dans la région. Les blogueurs, six femmes et cinq hommes, ont tout de suite embarqué. »

Le Blogue citoyen du Bas-du-Fleuve était né. De l’art à l’environnement, de la politique à l’économie, de la santé à la vie communautaire, le monde allait savoir ce qu’on en pense!

Ne nous méprenons pas, l’ambiance n’était pas à la polémique. Le CCDP a mis beaucoup de soin à développer un haut niveau de civilité dans les échanges. Pas question ici de déraper dans l’opinion inflammable ou les propos incendiaires. La douzaine de blogueurs s’engageaient par contrat à faire preuve de rigueur intellectuelle dans leurs propos. Encore à ce jour, d’ailleurs. Les prises de position peuvent être fermes, les opinions divergentes, mais le Blogue citoyen du Bas-du-Fleuve a réussi jusqu’à maintenant à éviter les pièges de la polarisation numérique. Pas de chicane dans ma cabane.

Notre voix

Douze ans et 25 blogueurs et blogueuses plus tard, à raison d’un billet par semaine, le blogue continue de porter les voix d’ici sur la Toile. Les auteurs sont fidèles au poste et surtout, motivés. On parle de tout, on s’intéresse à tout. Parfois on a le nez collé sur nos affaires, mais souvent on voit large, même qu’on s’est demandé un moment si on ne sortait pas trop du cadre. Un blogue qui se dit du Bas-du-Fleuve ne devrait-il pas se concentrer sur les enjeux locaux?

Mais non. On s’est rappelé que le projet visait à partager nos réflexions avec les autres. Il ne s’agit pas de savoir ce qui se passe dans le Bas-du-Fleuve, mais de découvrir ce qu’on pense par ici des enjeux qui nous concernent tous. On le constate dans chaque billet, les sujets chauds trouvent un écho chez nous, et la pénurie de main-d’œuvre que subit l’entreprise du coin peut nous mener la pensée jusqu’à des défis économiques et sociaux qui affectent la planète au complet.

C’est donc sur cette route-là que le CCDP a décidé de continuer. Les défis sont grands, des partenariats devront se mettre en place pour assurer la pérennité, il faut régulièrement renouveler l’équipe de collaborateurstrices en provenance de l’ensemble du territoire (avis à ceux et celles des Basques ou du Témiscouata qui sentent l’appel de la plume!), mais Raymond Cadrin sait que la pensée locale a de l’avenir.

www.bloguecitoyen.info/

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