
La location à court terme avec la plateforme Airbnb s’est étendue au-delà de Montréal pour atteindre les régions de l’Est-du-Québec. Le Mouton Noir propose une série de trois articles pour mieux comprendre l’effet d’Airbnb dans les régions, ainsi que les différentes mesures pour l’encadrer. Première partie : quels sont les impacts d’Airbnb en région ?
Les résultats financiers de la plateforme Airbnb ont atteint des records. Durant le premier trimestre de 2022, le chiffre d’affaires de l’entreprise a bondi de 80 %, comparativement aux revenus du premier trimestre de 2019, ce qui faisait dire au PDG et fondateur de l’entreprise que « Airbnb est plus fort que jamais »1. En effet, juste sur l’île de Montréal, une carte provenant du site Inside Airbnb montrait l’ampleur du phénomène, avec une forte présence de logements offerts en location à court terme.
L’ampleur et les impacts de la présence d’Airbnb sont pourtant plus difficiles à cerner en région, car les données et les recherches ont principalement ciblé les grandes villes d’Europe et d’Amérique du Nord2 et elles sont aussi plus difficiles à obtenir dans les régions rurales. Le site AirDNA, ainsi que la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) offre certaines statistiques, mais elles sont incomplètes et ne tiennent pas nécessairement compte de l’hébergement de courte durée illégale qui n’est pas enregistrée auprès de leur organisation. La MRC de La Côte-de-Gaspé a quant à elle commandé à une firme un portrait de la situation de l’Habitation qui inclut les plateformes d’hébergement de type « Airbnb ».
Des impacts qui vont plus loin qu’arrondir les fins de mois
La plateforme Airbnb est bien connue pour permettre aux propriétaires d’avoir un revenu d’appoint qui leur permet d’arrondir leur fin de mois. Elle génère aussi des taxes pour le gouvernement. Au-delà de ces impacts financiers, les plateformes ont des impacts non négligeables sur le marché de l’habitation. Son principal impact est de retirer du marché des logements qui seraient autrement loués à l’année. En réduisant le nombre de logements disponibles, cela exerce aussi une pression à la hausse sur les prix. Pour donner un aperçu de l’ampleur, selon une étude de 2019 au Canada, Airbnb aurait retiré 31 000 unités de location à long terme. Ces unités sont principalement situées dans les grands centres3.
L’enjeu, c’est que selon cette même étude, la croissance d’Airbnb serait beaucoup plus rapide dans les villes et régions rurales. Le nombre d’inscriptions de logements à la plateforme aurait augmenté en 2019 de 60 % dans les régions rurales du Canada4. Alexandre Cadieux, intervenant pour le Comité logement Bas-Saint-Laurent, résume bien la situation : « À Rimouski ce n’était pas si pire, il y en avait des logements disponibles, sauf que dans les deux dernières années, le taux d’inoccupation fond et le nombre d’Airbnb monte, donc éventuellement, c’est un dossier auquel il va falloir s’attaquer ». L’organisation avait réalisé une enquête maison dans la MRC de Rimouski-Neigette en janvier 2022 (période plus creuse de l’hébergement touristique) et avait trouvé environ 120 logements disponibles sur la plateforme Airbnb. Ce nombre devient important dans le contexte d’un taux d’inoccupation des logements de 0,2 %. La croissance de l’hébergement de courte durée, sans en être nécessairement la cause, serait donc un facteur aggravant de la crise du logement.
Ce type d’hébergement aurait aussi un impact négatif sur le développement régional, car les gens qui veulent s’établir dans la région de manière permanente ne trouveraient pas de logements et cela compliquerait aussi la vie des travailleurs qui cherchent à se loger, exacerbant la pénurie de main-d’œuvre5. Par exemple, la ville de Murdochville est en plein essor touristique, mais elle peine à héberger les employés du secteur touristique. Airbnb exercerait aussi une concurrence déloyale par rapport aux types d’hébergements touristiques traditionnels, stimulerait la gentrification et créerait une surabondance de touristes au péril du bien-être des résidents6 et de leur vie de quartier. Un article du Devoir présentait aussi que de plus en plus de dossiers au Tribunal administratif du logement (TAL) traitent de locataires évincés de leur logement pour que celui-ci se retrouve sur Airbnb. Par conséquent, à mesure qu’Airbnb se déploie dans les villes et municipalités et face aux nombreux désagréments, de plus en plus de Canadiens souhaiteraient que leur ville limite et règlemente la présence d’Airbnb sur le territoire7.
[1] Traduction libre
Les données et la citation sont tirées du site internet d’Airbnb :
https://news.airbnb.com/airbnb-first-quarter-2022-financial-results/
[3] http://upgo.lab.mcgill.ca/publication/short-term-rentals-in-canada/short-term-rentals-in-canada.pdf
[4] http://upgo.lab.mcgill.ca/publication/short-term-rentals-in-canada/short-term-rentals-in-canada.pdf
[5] https://lactualite.com/lactualite-affaires/la-guerre-des-chalets/