
La location à court terme avec la plateforme Airbnb s’est étendue au-delà de Montréal pour atteindre les régions de l’Est-du-Québec. Le Mouton Noir propose une série de trois articles pour mieux comprendre l’effet d’Airbnb dans les régions, ainsi que les différentes mesures pour l’encadrer. Deuxième partie : Quels sont les lois et règlements qui encadrent l’hébergement touristique de courte durée de type Airbnb ?
Tout citoyen qui souhaite se tourner vers sa ville ou municipalité pour interdire Airbnb doit avant tout savoir que celle-ci doit respecter les lois provinciales. La Loi sur l’hébergement touristique (Loi 100) et anciennement la Loi sur les établissements d’hébergement touristique (chapitre E-14.2), implique que les hébergements de courte durée, c’est-à-dire de 31 jours ou moins, de type « Airbnb » doivent dorénavant s’enregistrer auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) et payer une taxe, sous peine d’amende. Cela dit, il reste encore beaucoup de travail à faire avant que tous s’y conforment1.
Interdiction d’interdire
Selon les informations transmises par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), en 2021, la loi 67 a modifié la Loi sur les établissements d’hébergement touristique (LÉHT) afin de prévoir qu’à compter du 25 mars 2023, la réglementation de zonage d’une municipalité ne pourra plus avoir pour effet d’interdire la location touristique d’une résidence principale.
Le maire de Rimouski, Guy Caron, explique que l’adoption de cette loi limite les pouvoirs de la ville de réglementer ou d’interdire les hébergements de type Airbnb sur le territoire. Il ajoute qu’initialement la loi retirait le droit des villes d’éliminer ou d’interdire les Airbnb pour les résidences principales, mais que « maintenant, le gouvernement a fait un peu marche arrière par rapport à ça et va permettre aux municipalités, d’ici à ce que la loi soit en vigueur, c’est-à-dire d’ici le 25 mars 2023, d’interdire l’usage dans certaines zones ».
Par conséquent, au 25 mars 2023, à moins qu’une ville ou une municipalité adopte un règlement qui limite les hébergements Airbnb dans certaines zones, ce type d’hébergement dans les résidences principales sera automatiquement permis. La procédure de demande référendaire à l’égard de ce règlement est aussi allégée2.
En ce qui concerne la location touristique d’une résidence secondaire, les municipalités peuvent aussi l’interdire dans différentes zones de leur territoire, mais ne peuvent pas l’interdire complètement sur l’ensemble de leur territoire. C’est que la jurisprudence a établi qu’une municipalité ne pouvait pas, par le zonage, interdire un usage licite sur l’ensemble de son territoire. Par conséquent, une municipalité ne peut pas interdire la location touristique de résidences principales ou secondaires sur l’ensemble de son territoire.
Le défi des villes et municipalités
La présence d’Airbnb est principalement concentrée dans les grands centres, mais elle s’annonce comme un défi pour les villes et municipalités de l’Est-du-Québec, car elle est en pleine croissance dans les régions rurales. L’impact d’Airbnb a bien été documenté dans les grandes villes, mais il manque de données et de recherche pour saisir l’ampleur et l’impact d’Airbnb en région rurale afin d’outiller les villes et municipalités et de les aider dans leur prise de décision pour réglementer ou non l’hébergement de type Airbnb sur leur territoire. De plus, elles ont n’ont ni les ressources, ni les moyens pour contrôler le développement d’Airbnb3.
Le maire de Rimouski explique que la ville intervient en fonction des plaintes des citoyens et, pour réellement faire un suivi, cela demande des ressources que la ville n’a pas : « un Airbnb qui ne serait pas légitime, on ne connait pas son existence à moins de commencer à passer à travers tous les sites de manière régulière, et ça, ce sont des ressources qu’on n’a pas, donc si des gens voient des Airbnb qui n’ont pas leur lieu d’être, qui ne sont pas enregistrés au CITQ, ils peuvent tout à fait téléphoner à la ville au service d’urbanisme et d’inspection, et là, on pourra avoir des inspecteurs qui vont être sur le cas ».
Pascal Caron-Savard, aménagiste de la MRC de La Côte-de-Gaspé, ajoute aussi que certaines villes ont dans leurs règlements d’urbanisme des classifications d’usages quant à l’hébergement touristique qui s’arriment encore mal avec les classifications de la loi 67 et du CITQ, ce qui peut laisser place à l’interprétation.
La province de Québec a ainsi adopté des règlements par rapport à Airbnb, mais elle devrait intervenir pour soutenir, défendre et outiller, les plus petites communautés. De plus, à mesure que des règlements sont introduits à travers la province, il est aussi important d’évaluer les conditions de succès et d’échec de ces mesures4.
[1] https://www.tvanouvelles.ca/2018/07/12/airbnb-dimportantes-amendes-dans-lest-du-quebec
[2] 21.1 aux fins de déterminer si un scrutin référendaire doit être tenu à l’égard de ce règlement, le nombre de demandes devant être atteint en vertu du premier alinéa de l’article 553 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E-2.2) est réduit de 50 %, arrondi au nombre entier supérieur.