
Le 11 avril avait lieu une conférence sur l’électromobilité et les transports collectifs en région à l’UQAR.
Vivant en périphérie de Rimouski, et donc contrainte à utiliser mon auto quotidiennement pour me rendre au centre-ville, j’y vais dans l’optique de pousser ma réflexion sur la possibilité d’une ville à mobilité durable en région.
La conférence débute sur cette note, sans surprise : la croissance des émissions de GES ne cesse d’augmenter avec les années, malgré les objectifs de diminution de nos gouvernements qui ratent leur cible continuellement.
Comment renverser la tendance ?
Beaucoup de solutions proposées par les autorités sont orientées vers une électrification des transports, comme le veut le Plan pour une économie verte mis en place en 2020 par le gouvernement du Québec et le Plan de réduction des émissions pour 2030, émis par le gouvernement du Canada.
Pour les sceptiques au réel impact écologique d’une transition aux voitures électriques, beaucoup d’arguments ont été démystifiés. Selon une étude du CIRAIG (centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services), après 300 000 km, le cycle de vie moyen d’une voiture, les retombées néfastes du véhicule électrique seraient de 55% à 80% inférieures à ceux du véhicule conventionnel1. Cependant, cette analyse relève seulement du contexte d’utilisation québécois; ces statistiques sont donc attribuables à notre apport en énergie propre par l’hydroélectricité.
Il y a également des solutions envisagées pour répondre aux conséquences environnementales reliées à l’extraction des ressources minérales; par exemple, le recyclage des batteries, pour reprendre le principe des consignes.
Il est vrai qu’à long terme, la voiture électrique représente un moins grand impact sur notre émission de GES. Je dis bien sur nos émissions de GES, car je persiste à croire que de l’extraction minière découle un autre beau cocktail d’impacts sociaux et environnementaux. Mais est-ce suffisant d’opter pour l’électrification de nos véhicules comme unique solution ? N’est-ce pas mettre un pansement sur notre blessure écologique collective sans vouloir déranger nos modes de vie dépendants de nos possessions automobiles ?
Équiterre utilise un terme adéquat pour décrire ce phénomène : l’autodépendance.
Évidemment qu’à Montréal le détachement est plus facile à faire; la voiture peut même devenir un handicap dans une ville connue pour l’étroitesse des rues et des nombreux travaux, et où l’offre en transport est diversifiée. En région, c’est une autre réalité. Si on prend Rimouski comme exemple, l’offre de transport en commun est très limitée. Le gouvernement du Québec ne reconnait pas son réseau de transport, car selon la politique québécoise, Rimouski est trop petite pour avoir une Société des Transports. Seules les villes de 100 000 habitants et plus peuvent bénéficier d’un tel système.2 Actuellement, le Citébus, le Taxibus et le service de transport adapté à Rimouski sont gérés par une corporation contractée par la Ville.
Les villes ayant une société de transport bénéficient de plusieurs avantages suite aux accès à des subventions gouvernementales. Elles peuvent offrir un service public, posséder ses propres véhicules de transport en commun et effectuer la gestion au niveau municipal.
L’une des questions à se poser est celle-ci : serait-il possible d’obtenir du financement pour développer le transport en commun en région pour pallier ce manque dans les plus petites villes et municipalités ? Parce qu’à l’heure actuelle, le projet Mobilités et Territoires du CREBSL (Conseil Régional de l’Environnement du Bas-St-Laurent) est sur la glace, notamment à cause de la recherche de financement. Avec le développement de la Stratégie régionale en transport de personnes au Bas-Saint-Laurent, Le Conseil souhaite desservir 13 circuits régionaux permettant de se déplacer partout au Bas-Saint-Laurent et vers l’extérieur de la région, grâce à des minibus électrifiés.3
Une idée novatrice, et qui ne s’arrête pas là ! En complémentarité de ces nouveaux réseaux de transport, CREBSL vise également à mettre en place des moyens pour améliorer l’autopartage et le covoiturage rural en plus d’élaborer et de réaliser une campagne de promotion des services de mobilité durable.
Et parlons-en de l’autopartage. Selon l’indice Turo de 2022, 81% des Canadiens affirment qu’il serait impossible de ne pas posséder d’auto. Pourtant, selon la même étude, nos voitures dorment dans les stationnements 95% du temps de leur cycle de vie.4 Ce paradoxe montre que l’effort nécessaire pour réaliser l’autopartage pourrait définitivement faire partie de la solution.
Communauto, une entreprise bien implantée dans quatre villes du Québec et ailleurs au Canada, offre un service de location de voitures sur de courtes et moyennes distances. La firme discute d’un éventuel projet d’implantation à Rimouski.5 D’autre part, des projets issus de la mobilisation citoyenne sont aussi possibles : la plateforme LocoMotion à Montréal facilite le partage de son auto, son vélo ou même sa remorque avec ses voisins, avec une contribution monétaire pour partager les frais entre tous les utilisateurs.6
Sommes-nous prêts à mettre de côté cette habitude que l’on a de se déplacer partout quand on le veut, sans avoir à ne consulter personne ni d’horaire préétabli ? C’est en lisant le dernier rapport du GIEC qu’on réalise qu’il est grand temps de réévaluer ce luxe qui est devenu la norme dans nos modes de vie, et qui se reflète aussi dans l’organisation et l’urbanisation de nos villes.
Pour vaincre notre autodépendance en région, il est plus que temps qu’on démocratise le transport actif et partagé. C’est une voie bénéfique non seulement pour diminuer notre empreinte écologique, mais aussi pour occuper le territoire plus intelligemment, créer des liens au sein de la communauté et favoriser des habitudes de vie plus saines.
Équiterre nous propose son remède avec dérision :
« Légère, modérée ou musclée, nous avons LA solution pour vaincre votre autodépendance : le cocktail transport. Administré sans douleur, à posologie variable, le cocktail transport est composé d’ingrédients bien connus et facilement accessibles : marche, vélo, autobus et autopartage. »7
[1] CIRAIG. (2016, avril). Centre international de référence sur le cycle de vie des produits. Récupéré sur Comparaison des véhicules électriques et des véhicules conventionnels en contexte québécois: https://ciraig.org/index.php/fr/lca-study/comparaison-des-vehicules-electriques-et-des-vehicules-conventionnels-en-contexte-quebecois/
[2] La Société des transports de Rimouski manque de gestionnaires. (30, Septembre 2021). Récupéré sur Radio-Canada: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1828350/societe-transports-rimouski-citebus-taxibus-manque-employes
[3] Mobilité durable. (2021, Juin 8). Récupéré sur CREBSL: http://crebsl.com/mobilite_durable/?id=mobilite_durable_transport&a=2017
[4] Raymond, P.-R. (2022, janvier 24). Votre voiture dort 95 % du temps dans l’entrée d’auto, selon l’Indice Turo. Récupéré sur Le Soleil: https://www.lesoleil.com/2022/01/24/votre-voiture-dort-95–du-temps-dans-lentree-dauto-selon-lindice-turo-f4b67d50bc3676f95927544d29296e2a
[5] Michaud, P. (2022, janvier 28). Communauto ouvre la porte à Rimouski. Récupéré sur Journal le Soir: https://journallesoir.ca/2022/01/28/communauto-ouvre-la-porte-a-rimouski/
[6] Communautés mobiles et solidaires. (2022). Récupéré sur Locomotion.app: https://locomotion.app/faq
[7] Cocktail Transport. (2015, Septembre 2015). Récupéré sur Équiterre: https://www.equiterre.org/fr/articles/solution-cocktail-transport