
En ce Jour de la Terre, je tiens à célébrer le début de la saison où de riches touristes se promèneront à bord de mégabateaux de luxe pour le simple plaisir de détruire le monde en prenant des égoportraits de leur sale gueule.
Sur la photo qui accompagne l’article, on peut voir l’Octantis, de la compagnie Viking Expeditions, qui sera le premier navire à accoster aux Îles-de-la-Madeleine, samedi prochain, le 23 avril. Bonne et heureuse pollution aux insulaires. Comme il sera bon le homard mazouté…
Les badauds riverains de Montréal, Trois-Rivières, Québec, Saguenay, Baie-Comeau, Sept-Îles, Havre-Saint-Pierre, Gaspé et Îles-de-la-Madeleine auront la chance d’admirer ces mégabateaux de croisière et sa faune de riches bourgeois qu’ils transportent, appelées à doubler d’ici 10 ans. Tout en polluant notre fleuve Saint-Laurent, les opulents vacanciers visiteront les bourgades du Québec en détruisant les écosystèmes et la biodiversité comme si les rapports du GIEC ne les concernaient pas. Le cash les protège de la nature.
Selon le directeur général de l’Association des croisières du Saint-Laurent, René Trépanier : « Ça fait deux ans qu’on attend [le retour des croisières], on est très heureux. On va être sur le bord de l’eau et on va voir arriver les navires dès la fin avril.» Comme dirait Soeur Angèle : « Osti de casse de bain climatonégationniste du câlisse. »
Léger détail à l’intention de monsieur Trépanier : « Une étude a dévoilé l’ampleur colossale de la pollution causée par les navires de croisière.1 Le groupe environnemental Transport & Environment a calculé qu’en 2017, les 47 bateaux (seulement) de l’entreprise Carnival Corporation ont rejeté 10 fois plus de dioxyde de souffre que toutes les voitures d’Europe. »
En plus du dioxyde de souffre, les émissions de gaz à effet de serre atteignent de 4 à 5 tonnes par passager, par croisière. C’est l’équivalent de rouler environ 20 000 kilomètres en voiture. Tout ça juste pour avoir l’air cave sur l’eau, là.
On ajoute à ce saccage de luxe le mazout lourd rejeté dans l’eau du Saint-Laurent. Le journaliste spécialiste en environnement, Alexandre Shields, le confirme : « Ce polluant-là est reconnu pour non seulement acidifier les milieux naturels, terrestres et aquatiques, mais aussi pour nuire sérieusement à la qualité de l’air des villes qui accueillent ces navires, puisque les moteurs tournent 24 h sur 24, 7 jours sur 7 ».
Tant qu’à y être, rajoutons aussi que les moteurs des bateaux émettent des particules fines, surtout que la presque totalité d’entre eux n’ont pas de filtres pour les capter. Rien de plus salissant qu’une trâlée de croisiéristes. Si au moins, on pouvait les composter.
Sans oublier que ces bateaux inutiles génèrent toutes sortes de rejets : eaux usées non traitées, résidus alimentaires, plastiques… Alors, à partir de ce printemps, les Québécois et les Québécoises pourront contempler des emballages et des étrons de riches touristes trop bronzés flotter sur le fleuve et espérer que leurs grains de beauté se transforment en mélanome cancéreux pour le bien de la planète.
« Ces gigantesques bateaux de luxe contribuent à l’accélération du désastre écologique et du séparatisme des classes dominantes », dénonce le sociologue Grégory Salle dans son livre Superyachts : luxe, calme et écocide.
« L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage », disait le syndicaliste brésilien Chico Mendes. À l’âge de 44 ans, Mendes fut assassiné, pour ses idéaux, chez lui, devant sa famille, sur ordre d’un riche propriétaire terrien.
Nos cousins de l’Hexagone subissent la même merde marine. « Il y aurait à peu près 1 700 bateaux de cette catégorie qui s’arrêtent chaque année sur les côtes françaises et parmi eux des yachts de nombreuses personnalités et stars hollywoodiennes comme Léonardo Di Caprio, très engagé sur la défense de la planète et vivant la plupart du temps sur un yacht. Yachts, bikinis et cœur avec les mains qui sentent le diesel. »2
J’invite la population à accueillir ces plaisanciers nantis comme il se doit, c’est-à-dire en leur lançant des œufs pourris ou n’importe quelle nourriture périmée et, si possible, de vandaliser ces monstres des mers.