
Les artistes en art visuel et de la relève ne bénéficieraient pas d’une aussi bonne visibilité médiatique ou d’une promotion que d’autres formes d’arts telles que l’humour, le théâtre ou la danse. Pourtant, ils abordent des questions et des enjeux au cœur de l’actualité. Philippe Dumaine, directeur général et artistique du Centre d’artistes Caravansérail, un organisme qui contribue à la diffusion et au rayonnement de la relève artistique et des pratiques émergentes au Bas-Saint-Laurent, présente certains de ces enjeux.
Quand l’humoriste Stéphane Rousseau a lancé une exposition de peinture en novembre 2019, il a reçu une importante couverture médiatique de la plupart des médias québécois, mais cette réalité n’est pas le quotidien des artistes visuel : « ce n’est jamais donné à aucun artiste visuel d’avoir ce genre de couverture là », mentionne Philippe Dumaine. Directeur de Caravansérail depuis la fin du mois de novembre 2021, Monsieur Dumaine détient une Maîtrise en histoire de l’art et il était anciennement responsable de la médiation à la Galerie de l’UQAM.
Pour Philippe Dumaine, « je pense que les artistes visuels et encore plus de la relève abordent des questions sociales, des questions politiques, des questions identitaires et environnementales dans leur pratique et (…) je pense que les artistes veulent être inclus dans les conversations sociales et ils veulent apporter leur point de vue sur des enjeux qui dépassent le secteur des arts visuels ».
Le rapport à l’environnement
Avec l’exposition Les chimères anthropiques de Clara Painchaud, présentement en cours au Centre d’artistes Caravansérail, l’artiste soulève notamment une des conséquences écologiques de la pandémie, qu’est la surabondance de matériaux d’emballages due à l’augmentation des livraisons de colis à domiciles. Iel récupère ainsi ces nombreux matériaux, tels que la styromousse, et iel en fait des sortes de socles, des boîtes qui vont présenter ses sculptures, mais aussi les protéger, les conserver.
Le directeur de Caravansérail observe chez la relève une attention très particulière et très intense sur les questions environnementales, sur les questions du lien avec la nature et de notre rapport avec l’environnement, à la fois l’environnement naturel et bâti. Il donne le cas de l’exposition de Clara Painchaud, mais aussi l’exposition Pando de Jeffrey Poirier qui avait lieu précédemment au Centre d’artiste.
« Les artistes vont, de toutes sortes de façon, questionner nos relations avec la nature. Ils vont chercher à repenser les divisions entre nous et la nature, entre nature et culture, comme on dit souvent », expose monsieur Dumaine.
Des questions sociales
Avec la pandémie, les questions de « la santé mentale et de l’anxiété, qui étaient déjà là dans les jeunes pratiques, prennent une ampleur et une résonnance qui est différente », selon Philippe Dumaine.
Il ajoute que les artistes de la relève en art visuel vont aussi aborder plusieurs enjeux queers, LGBTQ+, féministes, identitaires et de genre. Ces enjeux peuvent être amenés sous l’angle du désir ou du rapport entre les personnes, mais aussi d’un rapport de pouvoir, tels que des pratiques répressives envers les personnes LGBTQ+.
Certains artistes de la relève vont questionner l’histoire. C’est le cas d’artistes d’ascendance africaine ou des artistes autochtones qui vont essayer de reconnecter des filiations avec d’autres générations ou avec des ancêtres. Ils vont s’interroger et mettre en lumière des iniquités qui se poursuivent encore aujourd’hui. Il y a des pratiques critiques qui vont parler d’oppressions, mais il y a aussi tout un autre champ de pratiques qui va aussi célébrer les cultures.
Avec le virage numérique, plusieurs artistes vont examiner notre rapport avec les technologies, avec les appareils, les interfaces, l’intelligence artificielle. Pour ce faire, certains artistes vont développer des collaborations avec des spécialistes de l’informatique et de l’électronique.
Aller à la rencontre des artistes
Après deux ans de pandémie, le directeur de Caravansérail observe que les gens veulent sortir, reprendre contact, échanger, et réinvestir les lieux. C’est donc l’occasion de mettre en contact l’artiste et le public afin de favoriser les échanges et le dialogue. Caravansérail offre donc plusieurs activités qui vont en ce sens. Un atelier d’écriture en collaboration avec Aranéide, un magazine queer de région, et Clara Painchaud est prévu le 26 avril de 17 h à 19 h au Centre d’artistes Caravansérail. De plus, du 7 au 15 mai 2022, il y aura Tendresse! Rendez-vous pour briser l’isolement, une série d’activités artistiques gratuites et ouvertes à tous, telles qu’une table ronde, des rencontres, projections, soupe populaire, atelier ou exposition.
« Tendresse!, c’est Caravansérail qui dit “venez, c’est ouvert!” C’est une programmation pour se rencontrer, se découvrir et échanger dans des contextes que l’on souhaite conviviaux et accessibles. C’est un centre d’artistes qui s’efforce de montrer l’art comme une matière partagée, comme une offrande, comme une occasion de contacts, d’ouvertures et de transformations ». 1