
De plus en plus d’églises en région rurale changent de vocation. C’est le cas dernièrement de l’église de Saint-Isidore de Lac-des-Aigles qui sera transformée en centre d’interprétation du salmonidé. Pour éviter l’abandon de ces bâtiments dans la région du Bas-Saint-Laurent, quels sont les facteurs de succès de la conversion des églises ? Une partie de la réponse semble se trouver du côté de la consultation.
Martin Gagnon, coordonnateur de la Coalition Urgence Rurale du Bas-Saint-Laurent, réalise des tournées dans différentes municipalités rurales où il fait des assemblées d’information dans les églises pour amorcer une réflexion sur la gestion du patrimoine bâti. Pour lui, un facteur essentiel de succès de la conversion d’une église est de consulter la population, car « le problème, c’est que les gens ne se parlent pas ».
Il explique que d’un côté, il y a les personnes de la fabrique[1] qui vivent un drame : ils n’ont plus les moyens, ils vivent un sentiment d’échec et ils n’en parlent pas. De l’autre côté, il y a les municipalités qui ne souhaitent pas toucher à ce dossier, qui est vu comme une boîte de Pandore qui va coûter cher. Martin Gagnon veut donc provoquer la discussion entre les différents intervenants, que ce soit la fabrique, la municipalité, la corporation de développement, les agents de développement et les citoyens, pour identifier les besoins. « À toutes les fois qu’on sort de là, il y a un comité qui s’est formé. Cette étincelle-là, elle ne se fait pas, parce que les gens ne se rencontrent pas », mentionne le coordonnateur. Il explique que les gens sortent de ces assemblées en étant très motivés, car ils vont pouvoir se réapproprier ce lieu où ils ont grandi et vécu des moments importants comme un mariage ou un baptême.
La couleur de Saint-Valérien
Le président du conseil d’administration du centre communautaire de Saint-Valérien, Patrick Morin, explique aussi qu’un des facteurs de succès de la conversion de l’église de Saint-Valérien en centre communautaire tient à la consultation des citoyens tout au long du processus. Son conseil est de partir des besoins et de « prendre le temps de discuter avec la communauté et de faire en sorte que la communauté locale donne une couleur ou la saveur locale au projet et se l’approprie ».
Il raconte qu’au tout début, il y a eu une grande rencontre à Saint-Valérien, durant laquelle les gens avaient à exprimer leur point de vue en tant que paroissien et en tant que citoyen. Le point de vue des paroissiens était de transmettre la facture à Rome et le point de vue des citoyens était de ne pas augmenter leur compte de taxes. Cette rencontre a été l’occasion de présenter l’état de la situation, car Rome n’allait pas maintenir l’église, la démolition de l’église coûterait un million de dollars et s’il y avait démolition, la municipalité n’allait pas avoir d’autres bâtiments comme centre communautaire. Au fil de plusieurs rencontres de consultation, la communauté de Saint-Valérien a décidé de convertir l’église en centre communautaire et de garder un droit d’usage religieux pour la partie du chœur de l’église qui permettait de poursuivre les offices religieux.
La consultation et l’implication des citoyens sont aussi importantes tout au long du processus. À titre d’exemple, Patrick Morin rappelle que la création d’un comité pour l’aménagement de la cuisine dans l’église a permis l’émergence d’un projet d’autonomie alimentaire. À l’époque, il faisait la liaison avec l’architecte pour l’aménagement de l’église et ils lui ont demandé ce qu’il souhaitait comme cuisine. Il a demandé à une conseillère municipale de former un comité pour déterminer les besoins pour la cuisine et, une fois créé, ce comité a suggéré une cuisine de grade commercial aux normes du MAPAQ pour permettre de faire de la transformation alimentaire avec de la revente. La cuisine a pris forme et monsieur Morin souligne qu’« on en est très fiers maintenant ! Ça a permis aux Valeureux Rhizomes de naître, une initiative en autonomie alimentaire ».
Pour conclure, « les projets qui viennent d’en haut, ça ne passe pas la rampe » selon monsieur Morin. Ouvrir le dialogue autour de l’avenir de l’église peut ainsi être une occasion de rassembler à nouveau les gens de la communauté. Martin Gagnon, rappelle qu’au-delà du rôle religieux, les églises avaient aussi le rôle de rassembler les gens. La population passait beaucoup plus de temps ensemble après la messe à discuter sur le parvis de l’église, car c’était le moment de la semaine où les gens se rencontraient. Il ajoute que le manque de lieu de rassemblement fait en sorte que les villages deviennent comme d’immenses dortoirs où les gens ne se voient plus. Il souhaite donc préserver ces lieux collectifs de rassemblement dans le village.
[1] Une fabrique est une corporation ecclésiastique dont l’objet est d’acquérir, de posséder, de détenir, et d’administrer des biens pour les fins de l’exercice de la religion catholique romaine dans la paroisse ou la desserte pour laquelle elle est formée.