
Comme nous l’avons montré dans les deux reportages précédents consacrés à La Pocatière et à Rivière-du-Loup, les normes d’urbanisme actuelles encouragent la densification et tentent de lutter contre l’étalement urbain. Or, ces normes peuvent avoir un impact direct sur les boisés urbains, qu’elles peuvent menacer. Voyons maintenant quels sont les pouvoirs d’intervention dont jouit la MRC de Kamouraska sur les boisés et, plus globalement, dans la lutte contre les changements climatiques.
Selon Catherine Langlois, aménagiste à la MRC de Kamouraska, les « municipalités régionales de comté », créées en 1969 pour aménager le territoire, sont régies par des normes souvent contraignantes. Par exemple, la largeur des bandes riveraines est dictée par le ministère de l’Environnement, les MRC doivent l’appliquer à travers un schéma d’aménagement, et les municipalités doivent l’inscrire dans leur réglementation d’urbanisme. Catherine Langlois aime utiliser l’image des « poupées russes » pour bien faire comprendre l’imbrication de ces trois paliers décisionnels. On pourrait tout aussi bien utiliser l’image de l’arbre et de l’écorce pour décrire la position délicate des MRC, coincées entre le municipal et le provincial.
À l’intérieur du périmètre d’urbanisation, les municipalités disposent d’une bonne marge de manœuvre. Ainsi, les citoyens qui désirent protéger des boisés menacés doivent d’abord intervenir directement auprès de leur conseil municipal, en amont de l’adoption locale de ces règlements et plans. Quand ils attendent l’annonce officielle des projets, il est souvent trop tard. En aval, autant pour les règlements de zonage que pour les plans d’urbanisme, la municipalité est tenue d’obtenir des certificats de conformité qui découlent de l’application des objectifs du schéma d’aménagement et de développement de la MRC. Ce schéma doit à son tour se révéler conforme aux orientations du gouvernement du Québec en aménagement du territoire. L’obtention de tels certificats n’est pas automatique, puisqu’elle dépend de normes appliquées dans l’ensemble du Québec que la MRC doit valider au cas par cas.

UN INVENTAIRE DES BOISÉS À RÉALISER
La MRC connaît le pourcentage approximatif de boisés dans chacune des municipalités de son territoire. Cependant, le total exclut les portions comprises à l’intérieur des périmètres d’urbanisation. De leur côté, les municipalités elles-mêmes les ignorent la plupart du temps. Il y aurait là matière à interpeller les élus municipaux : pour s’entendre sur un pourcentage de boisés à protéger, encore faut-il connaître l’ampleur du couvert forestier dans sa propre cour.
À cet égard, Catherine Langlois précise que « le cadre normatif de la MRC se concentre davantage sur le territoire hors périmètre d’urbanisation, où elle doit respecter les différents types d’affectation, qu’elles soient agricole, agroforestière, forestière, de villégiature ou de conservation ». Par exemple, la MRC doit « encadrer la plantation et l’abattage d’arbres dans le but d’assurer la protection et l’aménagement de la forêt privée ».
En ce qui concerne les lieux naturels, la MRC a identifié, dans son schéma d’aménagement et de développement, les « écosystèmes sensibles et les sites d’intérêt écologique. Majoritairement, il s’agit d’habitats fauniques et floristiques, ainsi que de milieux côtiers et humides, du milieu forestier », rappelle l’aménagiste.
LE PL 67 : AMÉNAGER POUR « MÉNAGER » LE TERRITOIRE
Dans le cadre de la loi 67, en vigueur depuis mars 2021, les municipalités ont jusqu’à mars 2024 pour modifier leur plan d’urbanisme pour y intégrer les mesures associées à la réduction des effets des îlots de chaleur en identifiant ces mesures, en les protégeant, voire en en créant, avec l’aide du service de géomatique de la MRC. Bonne nouvelle pour les boisés : l’implantation d’îlots de fraîcheur ne pourra que contribuer directement à leur dénombrement et à leur multiplication.
Bien qu’il soit prévisible, un élément frappe quand on consulte la carte des « grandes affectations du territoire » du schéma d’aménagement de la MRC de Kamouraska : plus on se rapproche du fleuve, moins il subsiste de forêts. Du fleuve à la frontière américaine, on passe de zones de villégiature à des zones agricoles et urbanisées, puis, enfin, à la forêt, plus au sud. Il saute aux yeux que depuis la colonisation, sous le régime seigneurial français, notre développement s’est révélé tributaire de la présence du fleuve Saint-Laurent.
Un article, à paraître dans le prochain numéro, s’attardera justement à la zone côtière, consacrée à la villégiature : que reste-t-il des corridors boisés le long du fleuve de Rivière-Ouelle à Kamouraska en passant par Saint-Denis-de-la-Bouteillerie ? Comment concilier le désir de plus en plus de citadins – ces « néoruraux » dont parle souvent Roméo Bouchard – de se payer une vue privée sur le fleuve et la préservation du principal obstacle qu’ils souhaitent abattre : les arbres ? À suivre.